NO HOME (Homegoing) de Yaa Gyasi : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Leila Fortune Tsatchou sur le livre NO HOME (Homegoing) de Yaa Gyasi.

Yaa Gyasi : biographie

Yaa Gyasi est une américaine originaire du Ghana, née en 1989 à MAMPONG, au Nord de Cape Coast. Elle quitte très tôt le Ghana pour les Etats-Unis et déménage souvent, passant de l’Illinois au Tennessee, pour s’établir à Huntsville en Alabama, une ville fortement marquée par l’histoire noire américaine. Là-bas, elle découvre les classiques de la littérature américaine dont celles d’une auteure que vous reconnaîtrez sans mal : Toni Morrison.

En passant un été dans son pays d’origine, elle apprend son histoire, la vie des officiers britanniques qui s’établissaient à Cape Coast, l’esclavage, les guerres. C’est ce contact direct avec cette histoire qui va lui donner envie d’écrire. C’est le point de départ de NO HOME, l’œuvre qui va la dévoiler aux yeux du monde.

C’est en poursuivant ses études supérieures qu’elle parvient à produire un premier jet de son œuvre, mais ce n’est qu’en intégrant le Iowa Writer’s Workshop qu’elle parviendra à l’achever. Ce premier roman sortira en 2016. Grâce à lui, elle obtient une distinction par la National Book Foundation et a même été à l’honneur dans le magasine américain Vogue, qui l’a considérée comme faisant partie de la catégorie de femme qui « réinvente le roman américain », aux côtés d’Emma Cline.

NO HOME : présentation

Tout commence avec une vision. Une malédiction, celle qui sera ancrée dans le sang de deux jeunes filles.

En 1755, Effia est née dans un village, Fanti, au Ghana. Son surnom : Effia La Beauté. Elle était vouée à accomplir les volontés de son père, à savoir épouser un homme de son village et avoir une position incontestée grâce à lui. Pourtant, Effia attire le regard de James Collins, un officier britannique qui s’empresse de l’épouser. Ainsi commence sa nouvelle vie au Fort de Cape Coast, parmi les hommes blancs établis au Ghana.

Esi est née dans un village, Ashanti. Elle menait une vie heureuse, choyée par sa famille. Elle était aussi destinée à épouser un homme de son village et imaginait sa vie pleine de joie et de bonheur. Mais le destin en a décidé autrement. Elle est
capturée et tenue en captivité dans les cachots de Cape Coast avant d’être vendue comme esclave en Amérique.

NO HOME est l’histoire de deux sœurs à la fois si proches et si lointaines : l’une à la surface de Cape Coast, une « Fille », et l’autre dans ses profondeurs, enchaînée dans les cachots, une esclave. Et c’est à travers leurs descendants que Yaa Gyasi va raconter 250 ans d’histoire au cours desquels sept générations d’enfants enlevées à leurs racines, vivent, se battent, pour la recherche d’eux-mêmes.

Autres œuvres de Yaa Gyasi :

NO HOME est le premier et seul livre de Yaa GYASI traduit en français à ce jour. Cependant, de nouvelles productions sont à venir au cours de l’année 2020, notamment :

  • Un essai qui figurera dans l’œuvre collective Fight of the Century : Writers Reflect on 100 Years of Landmark ;
  • Transcendent Kingdom.

NO HOME : avis

No home de Yaa Gyasi

NO HOME de Yaa Gyasi

NO HOME est de prime abord une œuvre choquante. Elle est faite pour ça, marquer les esprits de par sa forte portée historique. Yaa Gyasi à travers cette œuvre nous montre que l’histoire a plusieurs facettes. Ses personnages nous en offre chaque fois la preuve en exploitant un pan de l’histoire.

En plein XVIIIème siècle, l’esclavage bat son plein dans les Côtes de l’Or au Ghana. Nous sommes confrontés aux réalités d’une époque que Yaa Gyasi dépeint avec une précision surprenante. L’esclavage, nous ne l’avons pas vécu, mais elle nous le raconte et nous la vivons de façon crue à travers les personnages d’Esi, Ness et Kojo. Les enlèvements, les conditions de vie, la peur, les punitions. Elle nous prend aux tripes sans vergogne.

Puis l’auteure nous en dévoile une autre facette, l’esclavage en tant que bourreau, en tant que spectateur, ceux qu’étaient Effia, Quey et James. Effia a toujours su ce qui se cachait sous ses pieds, mais se contentait de regarder. Quey a suivi les traces de son père à travers le commerce d’esclaves et James, malgré ses réticences, a été un acteur passif en fuyant ses responsabilités. Leurs sentiments se bousculent, s’entremêlent et deviennent confus. Qu’est-ce qui est vraiment juste ? Et surtout, quelle est leur véritable place dans tout cela ?

Au fil des ans, le déracinement se fait de plus en plus sentir avec Abena et Akua, totalement ignorantes de leurs réelles origines. Tandis que de l’autre côté du globe, l’esclavage a été remplacé par sa version moderne, le racisme. H et Willie l’ont subi toute leur vie. Cependant avec cette génération, un nouveau sentiment naît, encore timide, mais bel et bien présent. Celui de l’espoir en un quelque chose dont ils ignorent tout ou qu’ils ont tout simplement peur de nommer.

La recherche identitaire atteint son paroxysme avec les deux dernières générations.

No home de Yaa Gyasi

NO HOME de Yaa Gyasi

Que ce soit au travers de Yaw, professeur d’Histoire, qui souhaite connaître son histoire , la vraie ; de Sonny, dont la soif de changement et de révolution va le mener au bord du gouffre ; ou de Marjorie et Marcus pour qui l’appel de la terre s’est fait si fort et si pressant qu’ils n’ont pu s’empêcher de retourner là où tout a commencé : à Cape Coast.

La leçon à retenir de ce livre : peu importe ce que la vie et ses circonstances font de nous, nous aurons toujours besoin de savoir qui on est, d’où l’on vient, de retrouver nos origines et d’être en contact avec nos racines. C’est la merveilleuse leçon que Marjorie et Marcus nous enseignent à la toute fin, après sept générations à se chercher.

Les deux sœurs sont enfin réunies.

Ce livre m’a touchée de par sa diversité de personnages, par l’’histoire qu’il dépeint et pour les leçons que nous pouvons en tirer.

Incipit de l’oeuvre : NO HOME

« La nuit où naquit Effia dans la chaleur moite du pays fanti, un feu embrasa la forêt, jouxtant la concession de son père. »

10 citations tirées du livre : NO HOME

– « Emporte-la quand tu partiras, un morceau de ta mère », page 18

– « Dans son village, chaque chose était un tout. Chaque chose pesait le poids de tout », page 28

– « Quey s’était habitué à la puanteur des excréments, pourtant la peur avait une odeur qui dominerait toujours », page 76

– « Il faisait le commerce des esclaves, et cela imposait des sacrifices », page 85

– « Une histoire n’est rien de plus qu’un mensonge débité en toute impunité », page 115

– « La façon dont ils traitent les esclaves, mon frère, c’est atroce, invraisemblable. Nous n’avons pas d’esclavage comme ça ici », page 128

– « Tu ne peux décider qu’un homme est méchant que d’après ses actes, Akua », page 220

– « Nous ne pouvons pas savoir quelle histoire est exacte parce que nous n’étions pas là », page 276

– « La délivrance était exactement ce que voulait Sonny », page 314

– « Quand il était jeune, son père lui avait dit que les Noirs n’aimaient pas l’eau parce qu’ils avaient été transportés dans des bateaux négriers », page 348

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Leïla Tsatchou
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