XXII – Parfum exotique, Charles Baudelaire, 1961, Les Fleurs du mal

Parfum Exotique Charles Baudelaire

Parfum exotique – Charles Baudelaire : introduction

Parfum exotique est un poème de Charles Baudelaire paru en 1857 dans Les Fleurs du mal, dans la section « Spleen et Idéal ». Ce poème aurait été inspiré à l’auteur par son voyage aux Mascareignes, mais aussi par sa liaison avec Jeanne Duval. Il s’agit d’un sonnet écrit en alexandrins ; il est régulier car les deux quatrains sont de forme ABBA (rimes embrassées) et les deux tercets de forme CCDEDE (rimes croisées).

 

Parfum exotique Charles Baudelaire

Charles Baudelaire : biographie

Charles Pierre Baudelaire est né le 9 avril 1821 – 31 août 1867 à Paris et décédé le 31 août 1867 à Paris. Charles Baudelaire est reconnu depuis son vivant comme l’un des plus grands poètes français. Il était, également, essayiste, critique d’art et traducteur pionnier d’Edgar Allan Poe.

Son œuvre la plus célèbre reste le livre de poésie lyrique intitulé Les Fleurs du mal. Les Fleurs du mal exprime la nature changeante de la beauté dans le Paris en pleine période d’industrialisation (milieu du XIXe siècle). Le style très original de la poésie en prose de Baudelaire a influencé toute une génération de poètes, dont Paul Verlaine, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé, entre autres. Il est reconnu pour avoir inventé le terme de « modernité » pour désigner l’expérience éphémère de la vie dans une métropole urbaine, et la responsabilité de l’expression artistique pour capturer cette expérience.

Autres œuvres de Charles Baudelaire

• Du vin et du haschisch, 1851
• L’Art romantique, 1852
• Les Fleurs du mal, 1857
• Les Paradis artificiels, 1860
• Mon cœur mis à nu, 1864
• Petit poème en prose ou Le Spleen de Paris, 1869

 

Parfum Exotique – Charles Baudelaire

Parfum exotique (les fleurs du mal) de Charles Baudelaire : le poème

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Parfum Exotique – Charles Baudelaire

Parfum exotique (les fleurs du mal) de Charles Baudelaire : Analyse

Parfum exotique (les fleurs du mal) : la forme

Parfum exotique est un sonnet ; c’est-à-dire qu’il est composé de deux quatrains suivi de deux tercets. Il s’agit d’un sonnet français car l’enchainement des rimes se fait en abba abba ccd ede ; les rimes s’embrassent en rimes féminines et rimes masculines dans les quatrains ET les tercets. Cet enchaînement donne un rythme sensuel au poème.

Les voyelles finales sont des voyelles no ce qui allongent le vers lui donnant un effet de lenteur et de nonchalance qui est sensé rappeler les îles fantasmées que décrit Baudelaire dans ce poème.

Les vers sont des alexandrins avec césure (léger silence à la sixième syllabe) et coupe (légère coupe après 3 syllabes) ; on parle de tétramètre (composé de Quatre temps). Le tétramètre offre au poème un rythme constant, ce rythme constant et la lenteur infusée au poème par l’enchaînement régulier de syllabe longue et de syllabe courte sur certaines coupes donne un effet de vague à la phonétique du poème.

Parfum exotique (Les Fleurs du Mal) : le fond

Le poème Parfum exotique est un poème qui entre dans ce que l’on a appelé le cycle Jeanne Duval, c’est-à-dire l’ensemble des poèmes écrits par Baudelaire pour sa muse haïtienne : Jeanne Duval. Cette information à son importance, car la présence de Jeanne ; si l’on se réfère aux nombreux poèmes écrit par Baudelaire pour sa muse, est une invitation au voyage ; puis précisément un voyage dans les tropiques. C’est ce qui ressort le plus profondément dans ce poème. L’invitation au voyage est d’ailleurs un poème rédigé par Baudelaire pour Jeanne justement.

Dans ce poème ce voyage se fait par le biais du rêve ; en effet, d’emblée Baudelaire se dessine « les deux yeux fermés » ; c’est-à-dire dans l’attitude du rêveur ; de l’homme qui rêvasse. Cette rêverie s’annonce pleine de douceur et de langueur ; car c’est une nuit chaude ; une nuit chaude d’Automne qui plus est ; c’est-à-dire la saison durant laquelle les nuits se font plus longues. Baudelaire accentue cette sensation de chaleur dans le vers qui suit puisque le sein sur lequel il a la tête posée est un sein « chaleureux », qui présente une forte connotation érotique mais révèle aussi l’importance de l’image et de la protection maternelle.
Le poème ainsi couché sur le sein de sa belle, yeux fermés voit dérouler des « rivages heureux » ; hors seul un être pourvu de sentiments et de sensations peut se trouver un « état de bonheur » c’est-à-dire être heureux ; un rivage ne le peut donc pas ; il faut sans doute comprendre par cette expression « un rivage où les hommes sont heureux ». Souvenir sans doute d’un de son voyage dans les îles Mascareignes, où il a dû faire la connaissance de personnes souriantes et ayant la joie de vivre.

Le vers finale du premier quatrain est chargé de contradiction : d’antithèse. En effet, un soleil monotone (c’est-à-dire qui lasse par son uniformité) ébloui (c’est-à-dire frappe d’admiration) les rivages heureux. Comment un soleil monotone peut-il éblouir ? En fait, si l’on prend monotone dans son sens premier c’est-à-dire de : qui garde le même éclat ; qui a toujours le même ton ; on comprend que c’est un soleil qui ébloui en permanence : des rivages où il fait toujours chaud, beau. Il s’agit donc de rivage où il fait toujours beau, et c’est peut-être la raison pour laquelle les gens y sont toujours heureux et que l’on peut définir ses rivages comme : heureux.

Le second quatrain commence par ce que l’on peut voir comme une déduction ; parce qu’il fait toujours beau et chaud et que les gens sont toujours heureux ça les rendrait paresseux d’où le fait par extension et par personnification : les îles paresseuses. On note également que Baudelaire procède ici de deux choses : un cliché qui voudrait que les gens des îles soient paresseux à cause de la chaleur des îles dans lesquelles ils vivent et deux d’une projection émotionnelle et psychologique. En effet, Baudelaire affirme que les gens des îles sont paresseux et que cela est dû à la chaleur qui caractérise ces îles, tout simplement parce que, lui, Baudelaire, sur les climats chauds est plus paresseux que sur les climats froids.

Mais le climat de ses îles n’a pas que de mauvais côté, bien au contraire. Ce climat permet la pousse de fruit savoureux ; d’homme au corps mince et vigoureux et de femmes dont la franchise d’étonne.

Le dernier vers du second quatrain : Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne, connote une certaine idée de Baudelaire vis-à-vis de la femme. Il semble sous-entendre que celle-ci est ordinairement mue par une certaine duplicité (contraire de franchise) ou qu’elle a perdu cette « franchise », en tout cas dans la civilisation occidentale. Ainsi, l’association des termes « franchise » et « étonne », semblent s’opposer et produisent un effet contraire. C’est pourquoi cette expression peut s’analyser comme un oxymore.

A la troisième strophe et premier tercet, Baudelaire procède d’un glissement ; ce n’est plus la sensation du sein chaleureux de sa Jeanne qui le guide vers de charmants climats ; mais bien son odeur.

L’odeur des mers ; des plages ; l’odeur des fruits ; des armes ; en un mot l’odeur des tropiques.

 

Parfum Exotique Charles Baudelaire

Parfum exotique de Charles Baudelaire : procédés linguistiques

Parfum exotique (Les Fleurs du Mal) de Charles Baudelaire : l’infini dans le fini

Baudelaire, comme dans de nombreux autres poèmes des Fleurs du mal, utilise la notion finie, c’est-à-dire la chevelure de sa belle pour « exprimer » l’infini ; dans le cas présent : les climats plus chauds, tels que ceux de l’Orient et des tropiques.

C’est un procédé courant chez Baudelaire, par là il cherche à faire voyager son lecteur et à lui insuffler des sensations, émotions et sentiments qu’il n’est pas censé connaître, de prime abord ; lorsqu’il s’agit d’un lecteur européen, du moins. Et au contraire, quand il s’agit d’un lecteur des îles ou du proche orient, lui faire connaître autrement son propre climat, mais aussi lui faire découvrir comment celui-ci peut être fantasmé par l’autre.

Toute la difficulté d’un tel procédé est de rendre réel, crédible et cohérent les sensations et émotions que l’on souhaite partager au lecteur.

Parfum exotique (Les Fleurs du Mal) de Charles Baudelaire : l’association de sens différents pour exprimer quelque chose

Baudelaire utilise dans ce poème des métaphores qui emprunte au lexique associé à un sens pour en suggérer un autre, créant ainsi une confusion dans l’esprit du lecteur qui le pousse à s’interroger. On appelle ce procédé : une synesthésie.

Parfum Exotique Charles Baudelaire

Parfum exotique (les fleurs du mal) de Charles Baudelaire : s’approprier le poème en tant qu’antillais.

Le poème Parfum exotique renvoie aux Antilles ; il s’agit d’un tableau des Antilles que peint Baudelaire ; un tableau fantasmé ; mais qui permet de poser un œil nouveau et assez contemplatif sur les îles ; pour Baudelaire il s’agit d’une invitation au voyage ; pour l’antillais que je suis, il s’agit d’un appel au retour au pays natal (pour ne pas citer Césaire) tant les images sont criantes, belle et avenantes. Elles éveillent chez le lecteur antillais des sensations fortes et intenses qui rappellent de beau et doux moments ; notamment des souvenirs d’enfance.

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Max Brun
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