« Philida », écrit par André Brink et publié le 10 septembre 2014 aux Editions Actes Sud.

André Brink : Biographie

André Brink était un écrivain sud-africain né le 29 mai 1935 à Vrede et décédé le 06 février 2015. Détenteur d’une licence et de deux maîtrises d’afrikaans et d’anglais, ainsi que d’un diplôme d’aptitude à l’enseignement, il poursuit ses études en littérature comparée en France, à la Sorbonne, où pour la première fois, il se trouve sur un pied d’égalité avec les étudiants noirs. C’est le début de sa prise de conscience des effets néfastes de l’Apartheid sur les populations noires.

Il entame sa carrière littéraire dans les années 60, mais ne s’engage ouvertement contre le régime de l’apartheid que dans les années 1970. Désireux d’éveiller les consciences et de provoquer un changement dans la société sud-africaine, il met généralement en scène des relations tumultueuses entre Afrikaners et noirs.

Sa plume engagée lui vaudra de remporter de nombreuses distinctions telles que le prix Médicis étranger en 1980 avec « Une Saison Blanche et Sèche » ou celui de l’Officier de l’ordre des Arts et des Lettres en 1987.

PHILIDA : Présentation

Bercée par les promesses que le jeune François Brink lui murmurait dans le jardin de bambous du domaine de son maître, Philida, jeune esclave, se laisse aller à cet espoir de liberté. Cependant, lorsque Philda réalise que François n’a aucunement l’intention de l’affranchir, elle, ainsi que les enfants qu’ils ont conçus, ne voient plus qu’une solution : déposer une plainte auprès du défenseur des esclaves.

Chez les Brink, cet acte va sonner l’alerte. Philida devient un obstacle au bien-être de la maisonnée qui doit non seulement préserver sa dignité, mais également la prospérité du domaine dont les finances ne sont pas au beau fixe. Pour Philida, cette plainte marque le début d’une existence qu’elle n’envisageait pas : celle où elle serait libre.

Dans l’Afrique du Sud de 1832, la rumeur de la libération des esclaves s’élève et Philida compte bien ne pas se laisser faire.

Autres œuvres d’André Brink :

Une Saison Blanche et Sèche (roman), publié le 12 mai 1982 aux Editions Le livre de Poche ;

Un Turbulent Silence (roman), publié le 15 octobre 2003 aux Editions Le livre de Poche ;

Au Plus Noir de la Nuit (roman), publié le 01 avril 1978 aux Editions Le Livre de Poche ;

Au-delà du Silence (roman), publié le 22 juin 2005 aux Editions Le Livre de Poche ;

L’Amour et L’Oubli (roman), publié le 03 mars 2009 aux Editions Actes Sud.

Philida – Résumé

Sur la piste menant à la petite ville de Stellenbosch, cheminent une jeune femme et son bébé. La raison d’un tel trajet sous un soleil torride : déposer une plainte devant le protecteur des esclaves, Mijnheer Lindenberg. La jeune esclave Philida en arrive à cette extrémité lorsqu’elle réalise que François Brink, son maître, ne lui rendra jamais la liberté qu’il lui fait miroiter depuis toutes ces années.

Afin de démontrer la pertinence de sa plainte, Philida doit raconter toute son histoire, et sa relation avec François est rapidement mise à nue, idylle incongrue entre un baas et une simple esclave, de laquelle plusieurs enfants sont nés. Devant le rejet catégorique de leur union par François devant le protecteur, tous les espoirs de Philida s’effondrent.

Refoulée par l’homme qu’elle aimait, Philida se rebelle de plus en plus contre les Brink qui ne voient pas d’autres solutions que de se séparer d’elle, tant pour préserver l’honneur de leur famille que pour garantir la sécurité de leur terre. Philida est rapidement vendue à Bernabé de la Bat et c’est un nouveau quotidien qui démarre pour la jeune femme. Bien loin des violences, et des promesses vides auxquelles elle était habituée chez les Brink, Philida découvre une forme de liberté qu’elle n’avait jamais connue jusque-là.

Grâce à ses nouveaux compagnons et la vie qu’elle mène dans le domaine de la Bat, Philida en apprend plus sur elle-même, sur son identité et ses aspirations, lesquelles la poussent à aller vers cet inconnu qu’on lui a toujours refusé. Lorsque la rumeur de la libération des esclaves s’élève, Philida n’a de cesse de se demander ce qu’elle pourra bien faire une fois libre. Peut-être trouver ce qu’elle pourra appeler « un foyer ». C’est le début d’un long voyage au cours duquel Philida finira par réaliser que son foyer est peut-être plus près qu’elle ne l’imaginait…

Philida – Avis

Dans le domaine des Brink, tout part d’une histoire d’amour.

Philida et François, tels Roméo et Juliette, se livrent à un amour interdit : celui d’une esclave et d’un maître. Dès les premières lignes, et dans un langage propre à son statut d’esclave, Philida nous fait comprendre l’ampleur des sentiments qu’elle éprouve pour François et dans le même temps, celle de la blessure qu’il lui a causée. Partagé entre son amour dévorant pour une femme qu’il n’aurait jamais dû aimer et son sens du devoir, c’est avec un pincement au cœur que nous voyons François lutter, pour finir par renoncer, bien malgré lui, à satisfaire son cœur.

Débarrassée des sentiments qu’elle éprouvait pour François, c’est une nouvelle Philida qui s’ouvre au lecteur. D’attendrissante ignorante à rebelle inflexible, Philida commence à penser par et pour elle-même, à se comprendre et à envisager l’avenir. Nous la voyons changer, grandir, se découvrir et faire ses propres choix, dans un monde où toutes les cartes sont contre elle.

La confrontation entre colons et esclaves est exacerbée par les prises de paroles alternées des Brink et de Philida. Récit à la fois poétique et pathétique, excitant et désespéré, lyrique et sauvage, les points de vue s’affrontent pour mettre en exergue tant les conditions de vie rudes et humiliantes des esclaves que la psychologie des colons persuadés d’être dans leur bon droit. C’est un combat idéologique qui se livre, un camp qui lutte pour une liberté qu’elle n’a jamais eue, et l’autre pour la conservation de privilèges indus.

Philida, ce n’est pas seulement l’histoire de cette femme qui se bat, mais également celle de beaucoup d’autres qui se sont battues avant elle. C’est l’histoire d’une minorité qui a essayé de se soulever et de recouvrer sa liberté, qui a échoué, mais qui a laissé une empreinte indélébile dans les cœurs de ceux qui espèrent, comme c’est le cas pour Philida.

Dans ce récit où la violence de l’injustice nous étouffe dès le départ et s’apaise au fur et à mesure qu’il nous est distillé à travers les voix de ses personnages, les croyances prennent une connotation toute particulière. Idéologique, religieuse, coutumière, la foi est le moteur qui permet à bon nombre de ces personnages d’avancer. Cornelis Brink, la foi en son statut d’homme blanc qui ne saurait péricliter ; François, la foi en cet amour qui imprégnera son cœur pour toujours ; et Philida, la foi en ce quelque chose de meilleur qui l’attend.

Cette histoire parle également de reconstruction, de renaissance, tant pour Cornelis qui ne reculera devant aucun moyen pour redorer le blason de sa famille, que pour Philida qui n’avait jamais su ce que signifiait le mot liberté et qui y goûte pour la première fois. Pour marquer ce jour de 1834 où les esclaves sont désormais libres, Philida effectue un geste symbolique : celui de baptiser ses enfants, marquant ainsi un nouveau tournant dans leur vie

Alors qu’elle chemine en compagnie de Labyn vers cet ailleurs qui a des allures de paradis, Philida nous fait comprendre une fois de plus que la destination n’est pas plus importante que le voyage et toutes les leçons que nous pouvons tirer.

INCIPIT

« La merde commence ».

10 Citations tirées du livre « Philida »

« Je suis un tricot tricoté par quelqu’un d’autre », page 65 ;

« La seule chose à laquelle nous puissions nous raccrocher, c’est Dieu », page 94 ;

« Aujourd’hui, on a plus le temps de jouer. Le monde nous a rattrapés », page 102 ;

« Il y a ceux qui sont faits pour être baas et les autres qui sont fait pour le labeur », page 124 ;

« Un homme qui chasse l’éléphant ne peut s’arrêter et prendre le temps de lancer des pierres », page 125 ;

« Ma petite, quand tu sais pas où tu vas, toutes les routes t’y mènent », page 140 ;

« S’habituer à un lieu ne signifie pas qu’il vous appartient vraiment », page 164 ;

« Nos pas ne peuvent être plus longs que la longueur de nos jambes », page 207 ;

« Même lorsque l’espoir est devenu certitude, on n’était pas prêt à y croire et à l’accepter », page 259 ;

« Tout le pays s’est construit avec notre sueur et notre sang », page 272.

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Leïla Tsatchou
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