Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 1950 (1ère édition : La Réclame)

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Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Marion Robinel sur l’oeuvre Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire.

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Aimé Césaire : biographie

On ne peut parler de Négritude sans parler d’Aimé Césaire, homme très engagé qui s’est battu toute sa vie pour le respect de l’homme. Né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France, cet homme politique français a également été un grand poète, essayiste, biographe et dramaturge.

Léopold Sédar Senghor est le premier président de la République du Sénégal et Léon-Gontran Damas est un poète écrivain et homme politique français, sont des anticolonialistes résolus. Avec eux, Césaire fonde le mouvement littéraire de la Négritude, un courant littéraire rassemblant des écrivains francophones noirs. Ce mot, au moment de sa création, englobe toutes les valeurs culturelles propres aux peuples noirs ainsi que l’appartenance à ces peuples.

Aimé Césaire porte plusieurs casquettes avec brio : il sort régulièrement des ouvrages et mène en même temps une carrière politique en tant que député de la Martinique et maire de Fort-de-France pendant cinquante-six ans, de 1945 à 2001.

Il arrive à Paris en 1931 au lycée Louis-Legrand en classe d’hypokhâgne. Avec son ami Léon-Gontran Damas, qu’il connaît depuis la Martinique, il découvre une autre part de leur histoire, à savoir leurs origines africaines. Ces informations, souvent censurées par les sociétés coloniales de Martinique et de Guyane, privent de nombreux enfants d’un savoir qui ouvrent des portes sur le monde extérieur (hors des Antilles françaises).

Césaire et Damas font la rencontre d’autres hommes noirs dont Senghor. Ils créent ensemble le journal L’Etudiant noir. Aimé Césaire fait apparaître le mot Négritude pour la première fois dans cette revue.

Les trois hommes tissent une forte amitié et vivent dans une France marquée par le racisme, une vision réductrice qui berce le système colonialiste. Nourris alors par le projet commun de défendre et de prôner la valeur du peuple noir, ils créent la Négritude. Ils veulent surtout se pencher vers les personnes opprimées, victimes d’injustice, de racisme et qui ne sont pas traitées à leur juste valeur. Ainsi le mot Négritude, au fil des ans, ne s’apparentera plus uniquement aux personnes de couleur mais à tous ceux qui se sentent opprimés.

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Discours sur le colonialisme : présentation

Discours sur le colonialisme est un essai anticolonialiste écrit par Aimé Césaire et publié en 1950. L’auteur dénonce tous les actes de violence et de barbarie, la mise en esclavage de nombreux peuples et le pillage de leurs biens. Il pointe du doigt un crime contre l’humanité et montre à travers ses lignes l’impact de ce système injuste sur la société du XXe siècle. Dans cet essai, Césaire dénonce également l’état d’esprit des colonisateurs, animés par la haine raciale, la convoitise, la violence et le relativisme moral.

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Discours sur le colonialisme : résumé

Pas de place pour une douce entrée en matière avec Aimé Césaire : on entre directement dans le vif du sujet. L’Europe est une civilisation qui “ferme les yeux à ses problèmes les plus cruciaux.” (page 7). L’auteur pointe du doigt un état d’esprit quelque peu hypocrite. En effet, si le XXe siècle est marqué par des actes de violences autant innommables qu’inacceptables (nous parlons ici de la Shoah), Césaire met l’accent sur le fait que cette barbarie ait longtemps été cautionnée et subie et que, désormais, on semble s’en étonner.

Aimé Césaire explique son point de vue en indiquant que des actes de violence, de haine raciale et de torture ont longtemps été pratiqués sur des peuples non européens et que l’on semble s’en offusquer et s’y opposer lorsque cela touche l’Europe. Bien qu’un crime ne puisse être comparable à un autre, l’essayiste accuse surtout la façon de pensée des européens ainsi que le réductionnisme qu’ils imposent dans les sociétés.

Cette mentalité est surtout remarquée chez la classe bourgeoise du XXe siècle, vivant à l’abri du besoin et s’enfonçant dans ses vices. Césaire accuse ainsi des mœurs qui s’offusquent bien tardivement d’un crime contre l’humanité qui a eu lieu des siècles durant et se réitère à travers le génocide juif. Il démontre à travers les discours de Sarraut, de Barde et de Müller que de nombreux hommes ont inspiré les projets d’Hitler et voyaient les choses de la même façon que lui. Il démontre que le problème pour eux n’était pas de tuer des millions d’innocents, mais de tuer des millions d’innocents blancs et européens.

Au-delà de ces hommes et de ces discours, Aimé Césaire accuse une civilisation qui, de siècle en siècle, a entretenu et encouragé une façon de faire et de penser conduisant d’un crime à un autre, de l’esclavage à la Shoah.

Aimé Césaire nous montre que le colonialisme a détruit des vies, des populations, des communautés entières. Il tente de nous ouvrir les yeux sur l’atrocité de ces pensées et de ce système qui a longtemps été la norme mais aussi de nous faire prendre conscience que la Shoah est aussi le fruit du colonialisme et que la civilisation européenne de l’époque était “malade”, “atteinte”, “décadente”.

L’auteur dénonce le manque de rapport humain et des codes de domination et de violence qui étaient les seules façons de communiquer des colonisateurs : “corvée”, “intimidation”, “pression”, “police”, “impôt”, “vol”, “viol”, “cultures obligatoires”, “mépris”, “méfiance”, “morgue”, “suffisance” (Page 23). Rien de bon n’est sorti du colonialisme et plutôt que d’en ressortir meilleure, la civilisation européenne n’a pas appris de ses erreurs. Elle est restée cloîtrée dans cette haine raciale et n’a fait que creuser les inégalités entre les hommes. Les anciens esclaves et leur famille sont oubliés, la malnutrition et la sous-alimentation battent leur plein, les civilisations européennes se concentrent uniquement sur les progrès techniques, les progrès dans la médecine, dans les constructions et autres.

Notre civilisation est malade et a encore beaucoup de travail à faire pour réduire les inégalités, lutter contre les actes racistes et discriminatoires. Si le Discours sur le colonialisme a été écrit il y a près de quatre-vingts ans, les problématiques évoquées restent toujours d’actualité : la civilisation européenne doit se remettre en question et ouvrir les yeux sur ses erreurs pour tendre vers un monde plus juste dans lequel tout le monde trouve sa place.

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Discours sur le colonialisme : avis

S’il y a bien une chose que l’on ne peut reprocher à Aimé Césaire, c’est son manque de sincérité. Ce grand homme ne mâche pas ses mots et dit sans détour ce qu’il a sur le coeur. Le colonialisme est un mot bien trop faible pour désigner ces longues et douloureuses périodes d’occupation et de domination, l’auteur nous le fait bien comprendre dans cet essai.

Notre essayiste martiniquais se réfère aux discours de grands hommes pour nous démontrer que le colonialisme a été une source d’inspiration pour Hitler et que ce dernier n’a rien inventé. Il tente de nous ouvrir les yeux sur les peuples qui ont été massacrés, les religions qui ont été assassinées, les richesses qui ont été pillées. Il souhaite également nous montrer que s’il y a beaucoup de choses à changer dans la civilisation européenne, les anciens peuples colonisés ont apporté beaucoup de savoirs et de richesses, faisant de ce continent un endroit cosmopolite où toutes les cultures peuvent vivre ensemble.

Aimé Césaire pousse ainsi la civilisation européenne à ouvrir les yeux sur ses erreurs mais également sur ses opportunités de rebondir et de construire un monde qui saura intégrer tout le monde, homme, femme comme enfant. Avec des mots souvent crus et en nous montrant la mentalité avant et après le colonialisme, il nous fait réaliser que peu de choses ont changé et que le point de vue des européens face aux personnes extra-européennes a même empiré. J’ai été heurtée par les mots employés par Césaire et j’ai réfléchi à toutes ces personnes victimes du colonialisme. Discours sur le colonialisme est un essai qui secoue : il nous expose une réalité sans maquillage et nous pousse à nous poser les bonnes questions pour faire mieux demain.

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10 citations montrant le combat d’Aimé Césaire contre le colonialisme dans Discours sur le colonialisme : 

  • “Le grave est que “l’Europe” est moralement, spirituellement indéfendable.” Page 8
  • “Et on attend, et on espère; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens…” Page 13
  • Au sujet du “très chrétien bourgeois du XXe siècle : “… ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.” Page 14
  • “Et pourtant, par la bouche des Sarraut et des Bardes, des Muller et des Renan, par la bouche de tous ceux qui jugeaient et jugent licite d’appliquer aux peuples extra-européens, et au bénéfice de nations plus fortes et mieux équipées, “une sorte d’expropriation pour cause d’utilité publique”, c’était déjà Hitler qui parlait !” Page 18
  • « Je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le, sadisme, le heurt. » Page 22
  • “Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.” Page 23
  • “L’idée du nègre barbare est une invention européenne.” Page 37
  • “Ferme les yeux à ses problèmes les plus cruciaux.” Page 7
  • « Qu’est-ce en son principe que la colonisation ? […] elle n’est no évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du Droit. » Page 9
  • « Colonisation : tête de point dans une civilisation de la barbarie où, à n’importe quel moment, peut déboucher la négation pure et simple de la civilisation. »

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Marion Robinel