Leurres et Lueurs, Présence Africaine, 1960

Vision (Leurres et Lueurs) de Birago Diop : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Max Antoine Brun sur le livre Leurres et Lueurs de Birago Diop.

Birago Diop : biographie

Birago Diop (11 décembre 1906 – 25 novembre 1989) était un poète et conteur sénégalais dont le travail a ravivé l’intérêt général pour les contes africains et l’a promu parmi les écrivains africains francophones les plus remarquables. Vétérinaire de renom, diplomate et principale voix du mouvement littéraire négritude, Diop a illustré « l’homme de la renaissance africaine ».

Pour Roland Colin, Birago Diop « a ouvert l’une des voies qui mènent à l’Esprit négro-africain. »

Léopold Sédar Senghor admirait également cette mise par écrit de contes que Birago Diop « rénove […] en les traduisant en français, avec un art qui, respectueux du génie de la langue française — cette « langue de gentillesse et d’honnêteté » —, conserve, en même temps, toutes les vertus des langues négro-africaines. »

Leurres et lueurs : présentation

Selon Présence africaine : « Les poèmes les plus modernes et les plus profondément africains de Leurres et Lueurs ont été inspirés par des contes. Poésie, conte, théâtre telle est la diversité et aussi la richesse de l’œuvre de Birago Diop, qui ne s’est pas outre mesure préoccupé de distinction ni de classification des genres littéraires. »

Les poèmes les plus modernes et les plus profondément africains de Leurres et Lueurs ont été inspirés par des contes.

Autres œuvres de Birago Diop :

  • A rebrousse-gens, 1985 ;
  • A rebrousse-temps, 1982 ;
  • Les contes d’Amadou Koumba, 1947 ;
  • Les nouveaux contes d’Amadou Koumba, 1958 ;
  • Contes d’Awa, 1977.

Le poème : VISION

Une forme vague s’enfuit
Dans le clair-obscur du lourd soir,
Et lentement descend la nuit
Qui enveloppe tout de noir.
Au loin une lampe qui luit
Eclaire l’ombre où je crois voir
Son ombre qui glisse sans bruit
Dans le clair-obscur du lourd soir
Où la forme vague s’enfuit.

Vision (Leurres et lueurs) de Birago Diop : analyse

Le poème est composé d’une strophe de 9 vers ; un neuvain, lui-même composé d’octosyllabes (vers de 8 syllabes). Il s’agit donc d’une strophe impaire, une rime est donc « isolée ». Les rimes sont croisées ; c’est-à-dire de type : ABAB. Les rimes sont des rimes masculines (c’est-à-dire qu’elles ne comportent pas de « e » final, ou de –es, -ent). Les rimes sont pauvres car le phonème rimant est la voyelle tonique finale.

Les voyelles toniques alternent entre voyelles fermées et voyelles aigues ce qui donne un effet de douceur et de légèreté à la prosodie du poème. Cette légèreté et cette douceur s’accentuent avec les images que projettent à l’esprit les mots qui font référence à la nuit et à son calme ; je pense à : clair-obscur, soir, nuit, noir, ombre, lampe (on n’allume une lampe que quand la lumière se fait rare, ce qui est particulièrement le cas dans le crépuscule ou dans la nuit).

Le poème ne tombe cependant pas dans l’angoisse, car le poète y ajoute des références à des notions moins sombres ; tel que la lampe qui luit. Il fait certes nuit, mais il ne fait pas nuit-noire. Il y a cette lampe qui luit, qui éclaire ; elle luit ; c’est-à-dire qu’elle éclaire avec douceur ; mais parce qu’elle éclaire avec douceur elle ôte toute angoisse. En effet, la nuit-noire peut être source d’angoisse ; mais l’éclatante lumière blanche du midi et du début de l’après-midi peut elle aussi agresser et angoisser ; parce qu’elle projette à la lumière tout notre être ; parce qu’on est vu de tous ; parce qu’on se sent plus vulnérable ; mais aussi parce qu’elle réchauffe également, la lumière est toujours accompagné d’une charge de chaleur.

On note aussi que le poète enchaîne syllabes finales courtes : s’enfuit, nuit, luit, bruit, qui projettent donc un sentiment de vivacité et syllabes finales longues : soir, noir, voir, soir qui au contraire dénote une certaine lenteur. La vivacité est associée au notion de fuite, de bruit et de lumière ; alors que la lenteur, la nonchalance des syllabes longues est associée au soir, noir, voir. On pressent un besoin de fuite pesant vers le clair-obscur (le crépuscule ?) qui lui semble prenant. Ce qui donne à cette fuite une dimension de nécessité.

La deuxième notion qui imprègne le poème est celle de la fuite, d’une chose qui échappe ; qui nous échappe. Le fait que le ver final ; qui est une rime isolée se termine par « la forme vague s’enfuit » n’est pas anodin et renforce l’idée de fuite par l’isolation et par le fait que le poète finisse son poème par cette référence.

Le poète renforce cette idée à travers l’écho ; inversé qu’il produit entre les deux premiers vers et les deux derniers. L’inversement des deux vers dans l’écho produit un effet assez « fort » chez le lecteur. En effet, l’enchaînement des deux premiers vers :

« Une forme vague s’enfuit
Dans le clair-obscur du lourd soir,

Donne à la forme vague une volonté ou du moins un désir ; car elle s’enfuit « dans » ; c’est certes une fuite, mais dans cette fuite une impulsion, presqu’une volonté semble animé la forme vague qui « volontairement » s’enfuit dans le clair-obscur. L’enchaînement des deux derniers vers :

« Dans le clair-obscur du lourd soir
Où la forme vague s’enfuit.

Retire à la forme vague cette « puissance » de volonté ; bien au contraire elle semble attirer comme « contre sa volonté » ; comme instinctivement par ce clair-obscur.

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