Trois femmes puissantes, Editions Gallimard, paru le 20 août 2009

Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye : introduction 

Découvrez la chronique rédigée par Leïla Fortune Tsatchou sur le livre Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye.

Marie Ndiaye : biographie

Marie Ndiaye est née le 4 juin 1967 à Pithiviers dans le Loiret, non loin de Paris. De mère française et de père sénégalais, elle passe toute son enfance dans la banlieue parisienne, à Bourg-la-Reine. Après avoir été abandonnée par son père lorsqu’elle n’avait qu’un an, elle est élevée par sa mère, professeure de sciences naturelles.

Elle commence à écrire entre l’âge de 12 et 13 ans. A 17 ans, en classe de Terminale, elle est repérée par Jérôme Lindon, fondateur des Editions de Minuit, qui va publier son premier ouvrage, ce qui lui vaudra une bourse pour étudier pendant un an à la Villa Médicis à Rome. C’est au cours de sa carrière littéraire qu’elle va rencontrer l’écrivain Jean-Yves Cendrey, qui deviendra son époux.

Ayant été élevée en France, Marie Ndiaye n’a jamais été familière de l’Afrique et de ce fait, ne souhaite pas que sa couleur de peau ou ses origines définissent son travail. Elle préfère être perçue comme une auteure n’appartenant à aucun courant et voguant au gré de ses envies et de ses sentiments.

Elle remporte le prix Fémina en 2001 avec son roman Rosie Carpe et le prix Goncourt en 2009 avec Trois Femmes Puissantes. Marie Ndiaye est déclarée cette année-là par le palmarès annuel l’Express-RTL publié le mardi 16 mars 2010 comme l’autrice francophone la plus lue.

Trois femmes puissantes : présentation

Norah est une femme accomplie. Avocate, dans une relation stable et une famille joyeuse, elle n’attend plus grand-chose de la vie. Mais lorsque son père la rappelle auprès de lui, dans son village de vacances à Dara Salam, des souvenirs peu chaleureux remontent à la surface, et ravivent ses doutes et ses interrogations qu’elle essayait depuis longtemps d’étouffer.
Rudy Descas passe une journée longue et pénible. Entre un travail dont il n’a jamais voulu et pour lequel il n’a aucun talent et une vie de famille chaotique, les portes du regret s’ouvrent tout doucement et le renvoient à sa femme, à Fanta, et à l’avenir qu’il lui a arraché.

A la mort de son mari, Khady Demba est seule. Sans bien et sans enfant auquel se raccrocher, elle est recueillie par sa belle-famille qui la méprise. Pour survivre, Khady se réfugie dans ses pensées, occultant tout ce qui l’entoure pour préserver la seule chose qu’elle possède : son identité. Poussée malgré elle vers un rêve qu’elle n’a pas désiré, c’est pourtant avec tout son corps et son cœur qu’elle tentera de le réaliser.

Trois Femmes Puissantes, c’est la somme de volonté de ces trois personnages, visibles à travers leurs actes et le regard de ceux qui les entourent.

Autres œuvres de Marie Ndiaye :

  • Quant au Riche Avenir, (1985) ;
  • Un Temps de Raison, (1994) ;
  • Mon Cœur à l’Etroit, (2007) ;
  • Ladivine, (2013) ;
  • La Cheffe, roman d’une cuisinière (2016) ;

Trois femmes puissantes : avis

Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye résumé

Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye résumé

C’est dans un style peu orthodoxe que Marie Ndiaye nous raconte l’histoire de trois personnages à l’esprit fort. Evoluant à travers ses lignes dans un univers irréel et étrange, Marie Ndiaye sait cependant nous attirer et nous captiver avec son vocabulaire riche et ses tournures recherchées.

Trois Femmes Puissantes est un ensemble de trois nouvelles, chacune se suffisant à elle-même, mais inextricablement liées par des thèmes similaires.

Dès les prémices, nous constatons que la famille a une place prépondérante dans chacune de ces histoires. Norah est une jeune femme qui semble avoir trouvé cet équilibre dans sa vie que peu de personne arrive à trouver. Mais de retour auprès de son père, au Sénégal, toutes ses convictions tombent à l’eau. Elle se retrouve en proie à l’incertitude vis-à-vis de son statut de fille, de sœur, de femme et de mère.

Il en est de même pour Rudy, dont les pérégrinations durant cette journée interminable nous mènent à de sordides secrets de famille. Nous plongeons dans son intimité sans vergogne, entre son fils qui semble le craindre, sa mère illuminée et sa femme, Fanta, qui semble s’éloigner de plus en plus de lui.

Khady quant à elle, avait une idée bien précise de ce que sa vie de famille devrait être et à force, en a oublié celle qu’elle avait déjà trouvée.

Pour ces trois personnages, il s’agit d’une longue quête pour trouver leur place auprès de ces personnes qui sont supposées partager leur vie. Cependant, nouer une relation est difficile et rétablir un lien brisé l’est encore plus. C’est la porte ouverte à la culpabilité, l’inquiétude, la colère, le ressentiment, et le désespoir. Chacun de ces personnages éprouvent des regrets : Norah, pour avoir succombé à la jalousie et avoir laissé son jeune frère sous l’emprise de ce père intransigeant, mesquin et égoïste ; Rudy qui, pour échapper à sa réalité, a fait miroiter à Fanta un bonheur qu’elle avait pourtant déjà trouvé au Sénégal ; et Khady, pour ne pas avoir compris plus tôt la chance qu’elle avait.

L’auteure nous fait comprendre que le passé, même refoulé, peut influencer notre présent et ressurgir au moment où l’on s’y attend le moins. Pour avancer, il faut l’affronter, et c’est en cela que ces trois personnages nous montrent toute la force de leur volonté. Norah, en ravivant cet amour pour ce frère dont elle s’était inconsciemment éloignée ; Rudy, en affrontant ses souvenirs d’enfance qui ont influés sur son couple ; et Khady, en reconnaissant qu’avant cet instant où elle se bat pour réaliser un rêve qui ne lui appartient même pas, elle ne savait pas encore réellement qui elle était.

Trois personnages au parcours atypiques mais dont le récit force l’admiration.

Incipit de l’oeuvre Trois Femmes puissantes

« Et celui qui l’accueillit ou qui parut comme fortuitement sur le seuil de sa grande maison de béton, dans une intensité de lumière soudain si forte que son corps vêtu de clair paraissait la produire et la répandre lui-même, cet homme qui se tenait là, petit, alourdi, diffusant un éclat blanc comme une amploule au néon, cet homme surgi au seuil de sa maison démesurée n’avait plus rien, se dit aussitôt Norah, de sa superbe, de sa stature, de sa jeunesse auparavant si mystérieusement constante qu’elle semblait impérissable. »

10 Citations tirées du livre Trois Femmes Puissantes

  • « Qui ayant connu une fois la tendresse peut de soi-même y renoncer ? », page 21 ;
  • « Leur père était ainsi, un homme que la laideur choquait et dégoûtait profondément », page 37 ;
  • « La sensibilité particulière, l’ampleur spirituelle, idéaliste, romantique, vague aussi, de son ambition, compensaient favorablement son manque d’astuce et de rouerie », page 90 ;
  • « Il avait si bien travaillé à se persuader du contraire qu’il n’était pas encore sûr de la réalité de la vérité », page 148 ;
  • « C’était peut-être le sourire même du professeur qui avait permis à la vérité de s’exposer, ce sourire faux, suave, rempli de haine et de peur », page 151 ;
  • « Il lui avait semblé que cette résistance préservait de la désagrégation complète l’érudition qu’il avait acquise dans son ancienne vie », page 162 ;
  • « Il n’était guère difficile de s’habituer à vivre dans le dégoût de soi, dans l’amertume, la confusion », page 168 ;
  • « Qu’on pût seulement concevoir de gagner de l’argent en construisant un village de vacances le remplissait de répugnance et de gêne », page 182 ;
  • « Ils ne savent pas ce que c’est que l’amour, ils ne pensent qu’à la situation et à l’argent », page 210 ;
  • « Elle ne regretterait rien, immergée tout entière dans la réalité d’un présent atroce mais qu’elle pouvait se représenter avec clarté », page 257 ;

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Leïla Tsatchou
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