Rouge impératrice, Editions Grasset, paru en septembre 2019

Rouge impératrice de Léonora Miano : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Leïla Fortune Tsatchou sur le livre Rouge impératrice de Léonora Miano.

Léonora Miano : biographie

Léonora Miano est une écrivaine camerounaise, née le 12 mars 1973 à Douala, au Cameroun, où elle vit jusqu’à la fin de ses études secondaires. L’écriture est déjà une passion pour elle car depuis l’âge de huit ans, elle fait de la poésie et se met dès l’adolescence au roman. Elle quitte le Cameroun pour la France en 1991 pour poursuivre des études supérieures en littérature américaine à Valenciennes puis à Nanterre.

Elle publie son premier roman, « L’Intérieur de la Nuit », en 2005. Œuvre afro futuriste, celle-ci reçoit un bon accueil de la critique francophone et reçoit en outre plusieurs distinctions à l’instar du prix Louis-Guilloux, le prix du premier roman de femme et le prix Bernard-Palissy en 2006. Il est également élu par le magazine « Lire » comme le meilleur premier roman français de l’année 2005.

Rouge Impératrice est publiée en septembre 2019 aux éditions Grasset et s’inscrit dans la littérature afropéenne, consciente des réalités africaines mais avec une ouverture sur le monde. Léonora Miano passe de la fiction générale, à de la science-fiction avec un arrêt sur la fantasy et son intérêt pour la pop-culture est notable.

Elle a reçu l’insigne de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2014.

Rouge impératrice : présentation

En 2124, l’Europe est tombée dans la déchéance et ses populations se sont réfugiées sur le nouveau continent africain : Katiopa. Ayant quitté leur terre natale, les Sinistrés ont du mal à s’acclimater au nouveau statut qui leur est attribué. Désormais relégué au bas rang de la société, ce n’est plus qu’une population marginalisée qui a perdu tous ses repères et ses privilèges dans un continent unifié et prospère.

Ilunga est le dirigeant de Katiopa depuis maintenant cinq ans. Au jour de la célébration du San Kura 6361, nouvel an Katiopéen, il rencontre la belle Boya, une universitaire à la peau rouge et aux cheveux cuivrés. Avant même de lui parler, Ilunga sait qu’elle lui appartiendra et l’« invite » dans le palais du Mokonzi pour se rapprocher d’elle.

Bien que les manières un peu rustres du dirigeant lui aient donné mauvaise impression, Boya est intriguée. Lorsqu’ils se rencontrent pour de bon, les voilà liés par des puissances dont eux-mêmes ne se doutent pas. Les deux amoureux se cherchent, se rencontrent, s’aiment avec le corps et l’esprit.

Cependant, la vision progressiste de Boya sur ce que devrait être Katiopa devient une affaire d’Etat. Pour la « Femme Rouge », il faut accueillir cette population qui se perd et si Ilunga est prêt à leur tendre une main secourable, cela n’est pas le cas de tous.

Autres œuvres de Léonora Miano :

  • Contours du Jour qui Vient, (2006) ;
  • Tels des Astres Eteints, (2008) ;
  • La saison de l’Ombre, (2013) ;
  • Blues pour Elise, (2010) ;
  • L’Impératif Transgressif, (2016) ;

Rouge impératrice : avis

 

Rouge impératrice, Léonora Miano – Résumé

C’est avec sa plume riche et colorée que Léonora Miano nous fait découvrir une Afrique futuriste, le nouveau Continent : Katiopa.

Transformé, évolué, riche et affirmé, Katiopa est la concrétisation de toutes les idées panafricanistes de notre époque : l’union des pays africains pour ne former qu’une seule puissance, la conservation des ressources naturelles du continent, la protection de la faune et de la flore, les avancées scientifiques et technologiques et bien d’autres aspects encore. Léonora Miano nous offre une Afrique prospère qui se suffit à elle-même dans une inversion des forces presque ironique.

Sur cette nouvelle terre, une histoire d’amour, celle d’Ilunga et de Boyadashi, dit Boya. Ilunga est captivé par sa peau rouge et ses cheveux de cuivre et Boya, avant même de le voir, ressent sa présence. L’amour n’est pas qu’un simple sentiment entre eux, mais une connexion mystique. Elle est aussi tendre et belle que la caresse d’un ruisseau. Mais avant même qu’elle ne commence, leur relation était vouée à être tumultueuse.

D’une part, le Mokonzi de Katiopa, Ilunga, dont le rôle principal est de veiller au bien-être et à l’évolution des citoyens de son pays et de l’autre, Boya, dont l’empathie envers un peuple désormais marginalisé la poussera à voir les choses autrement. Les idées s’affrontent et les enjeux politiques entrent dans la danse. Ilunga est entre deux feux : Rassurer ses gouverneurs et remplir la mission qu’il s’est fixée d’un côté, et de l’autre veiller sur la femme qu’il aime et dont les idées progressistes ne sont pas du goût de tous. Partager la vie d’un homme de pouvoir est loin d’être un long fleuve tranquille et Boya ne tardera pas à le comprendre.

La spiritualité prend également une place très importante dans cette œuvre. A cette époque, le Continent a renoué avec la nature et ses pouvoirs. Double vue, déplacement furtif et instantané, voyage entre le monde des vivants et celui des morts, la métaphysique fait partie du quotidien et est régie par des règles strictes que seuls les initiés peuvent mettre en pratique. Léonora Miano parvient à briser ce mythe de la sorcellerie dans une poésie vibrante.

Il est intéressant d’ailleurs de voir comment l’auteure établit les rapports de forces entre les hommes et les femmes. Sur le plan psychologique, physique ou métaphysique, la notion de pouvoir est plus complexe qu’on ne le croit et bien souvent, ce dernier se trouve entre les mains de la femme. C’est une histoire foncièrement féministe qui allie l’image de la femme douce et fragile, à celle de la femme forte et libre, où les seules idées d’une femme peuvent retourner tout un continent.

Léonora Miano joue avec les mots pour nous faire comprendre qu’il est plus facile de faire tomber les barrières raciales, politiques, financières ou même spirituelles, qu’on ne le pense.

L’auteur a su me captiver par l’univers qu’elle dépeint et les nombreuses thématiques qu’elle aborde.

Incipit de l’oeuvre Rouge Impératrice : 

« Debout à quelques mètres de la place Mmanthatisi, l’homme n’avait d’yeux que pour la femme. »

10 Citations tirées du livre Rouge Impératrice :

  • « Les âmes-sœurs étaient de plusieurs sortes, longue liste des éventuelles méprises, les conséquences de ces malentendus toujours douloureuses », page 39 ;
  • « Les Sinistrés avaient établi leur résidence dans un univers parallèle leur procurant réconfort et sécurité », page 56 ;
  • « Le sang n’était pas de l’eau, mais il y avait entre eux plus que ces deux fluides essentiels », page 79 ;
  • « L’amour et le désir sont de belles choses. Il n’y a jamais de bonne raison de s’en priver. Assure-toi seulement d’être respectée », page 83 ;
  • « Ce n’est pas l’homme qui fait tourner la tête de la femme, mais l’inverse », page 108 ;
  • « La polygamie révélait une faute et pouvait être vue, dans certains cas, comme une sanction pour l’homme », page 208 ;
  • « Le désir de se représenter à la fois libre et glorieux cheminait donc obscurément avec un rêve de domination plus que de justice », page 284 ;
  • « Notre défi est aussi de faire la paix avec la part de nous que représentent ces Fulasi », page 348 ;
  • « Tout corps était altéré par ce qu’il ingérait, et pas toujours pour le meilleur », page 374 ;
  • « La langue, comme la terre, ne se possédait pas. Elle s’appartenait, ne se donnait que selon son bon vouloir », page 489.

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Leïla Tsatchou
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