Interview de Benny Aguey-Zinsou par Badi Huchet

Nous sommes avec Benny Aguey-Zinsou, 37 ans alias (BAZ).

De père Béninois et de mère française, vous avez grandi à Stalingrad, dans le 19ème arrondissement de Paris. Etant passionné de livres, de politique et d’art pictural, vous avez décidé de devenir artiste peintre. Vous êtes devenu plus tard un artiste pluridisciplinaire.

J’ai lu, votre recueil de poésies en vers libres Intersection, que j’ai beaucoup appréciée et j’ai énormément de question à vous poser :

Avez-vous confiance aux Hommes ?
Ce n’est pas vraiment une relation de confiance ou de méfiance. C’est surtout une relation de savoir jusqu’où on est capable d’agir sur notre monde. Jusqu’où on est capable d’agir, c’est ce que je travaille dans le Virtualisme autour de la subjectivité à l’heure des progrès technologiques et du capitalisme mondial. Par rapport au pouvoir des hommes, quelles relations les pouvoirs ont elles avec les populations qui subjectivement vont plus ou moins être au courant de ce qui se passe avec les écosystèmes qui nous entourent par exemple. Il y a un déficit informationnel mais il est dû à une mauvaise médiatisation. Il y a un manque de devoir des médias, il y a de la désinformation. On ne sait pas ce que pense un être humain anonyme à nous-même.

Le virtuel a-t-il des répercussions sur le réel ? Exemple : les sensations
Il y a une super-subjectivité capitaliste qui a une prise sur le réel très forte (exemple : construire un bâtiment à une vitesse incroyable). Les super-subjectivités sont hétérogènes et on voit beaucoup plus loin pour la développer, mais elle ne peut pas se libérer du pouvoir capitaliste mondial, elle s’exprime à travers des sphères virtuelles qui ne sont pas forcément pas matérialistes.

Pourquoi avez-vous rédigé Intersection ? Aviez-vous un objectif clair quand vous l’avez fait ?
L’intersection, c’est le moment où il y a un point de rencontre si fort qu’elle a une influence sur notre devenir. C’est une forme de subjectivité, il y a un point de rencontre, il y a du sublime, donc il y a : intersection.

L’intersection c’est le point central ou un point lambda ?
C’est un point d’étude sur la subjectivité humaine, c’est une facette de la subjectivité.

Pourquoi vous utilisez beaucoup d’adjectifs de sentiments dans Ursule ?
Ursule est un nom emprunté à ma tante qui est psychotique, qui dans son délire en vient à penser que les personnes noires lui noircissent le visage car elles à l’impression que les noirs la regardent de travers dans la rue. Mais, il faut savoir que ma tante « Ursule » s’habille de façon très particulière et c’est sans doute pour cela, pour son originalité qu’elle est regardée de la sorte. J’ai donc essayé de décrypter la paranoïa de ma tante, de comprendre ce qui compose son délire subjectif.

Pouvez-vous expliquer chacun des titres des poèmes ?
Par exemple Goliath, c’était un ami punk et il était très expressionniste dans sa façon de se comporter. Goliath c’était une façon d’exprimer ce que je ressentais quand j’étais en Intersection avec lui. Ursule c’était une façon d’assombrir le tableau de ce qui arrivait à ma tante. Les yeux d’or, c’était la seule personne qui arrivait à me décrypter de la façon la plus fidèle par rapport à la façon dont moi je me ressens. C’est un hommage à ceux qui comprennent autrui.

Qu’est-ce que cela vous a fait de relire ces poèmes ? 
Je vois l’évolution entre cette époque qui était avant 2012, je vois l’évolution, je vois le travail qui a été effectué, et le travail poétique. Ça me fait voir l’évolution et que c’était un travail de qualité.

Vous utilisez beaucoup d’ironie (p45 : « Dansant dans les flammes acides de l’indifférence » et de figure de style, par ex : (l’anaphore : p45 « beau comme un cadavre, beau comme un camé oublié par la vie » dans vos poèmes mais pourquoi utilisez-vous cela ? Comment l’interprétez ?)
Pourquoi faut-il que seule la souffrance soit belle ? C’est la souffrance qui appelle au changement dans une société. La beauté ce sont les personnes qui subissent les injustices.

Comment réécririez-vous intersection aujourd’hui ? Si oui, que changeriez-vous ?
Je n’aurais rien changé, j’aurais juste changé l’éthique littéraire et j’aurais travaillé sur d’autres intersections dues à mes nouvelles rencontres.

Vos œuvres ont-elles un lien avec vos origines ? Votre habitation ?
Le fait d’être métissé et d’être issu de deux cultures distinctes m’a aidé dans le phénomène d’être plus ou moins accepté et ouvert à d’autres codifications de la subjectivité. Ma mère va être lié à la codification française tandis que mon père va être lié à la codification africaine. Ça m’ouvre du coup à d’autres subjectivités. Ce sont donc aussi des outils pour le Virtualisme.

Questions générales

Quel est la place de la femme dans vos œuvres d’art et dans votre vie ?
J’ai eu plusieurs relations mais jamais de relations constructives. J’utilise la femme en tant que symbolique de la beauté comme outil de manipulation.

Quelle image avez-vous de la société ?
Si on parle de la société d’un point de vue du pouvoir, elle est très négative, le pouvoir ne fait pas ce qu’il a à faire. C’est un pouvoir qui ne pose pas de question au peuple. La société humaine est contrôlée par la virtualité de leur super-subjectivité.

Quelle importance à l’amour dans vos poèmes ?
L’amour est primordial et fondateur. C’est par l’amour qu’on crée des projets, avec la famille, ou avec des ami(e)s, donc l’amour permet d’avoir des projections dans l’avenir. Ça permet de donner un sens à notre humanité.

Comment s’épanouir dans cette société ?
On s’épanouit avant tout grâce à l’amour, c’est comme cela que l’on forme une communauté ou que l’on en rejoint une déjà construite pour changer la société. C’est souvent par les minorités qu’il y a eu des grands changements, c’est pour cela que je reste optimiste.

Pourquoi l’homme est faible ?
L’homme est faible selon la façon dont il pratique ses interrelations. Seul(e) il/elle sera faible.

Qu’est-ce qu’être en paix pour vous ? Avez-vous trouvé cette paix ? Comment vous avez fait pour la trouver ? Pensez-vous la trouver un jour ? Vous vous êtes déjà senti en paix ?
Je suis en paix individuellement, parce que j’ai fini mon cheminement réflexif mais je ne suis pas en paix par rapport à l’influence que le pouvoir a sur le devenir des autres et je ne pourrais pas être en paix car on souffre trop. Heureusement qu’on a une part d’autonomie qui laisse une part d’espoir.

Badi Huchet