Inassouvies, nos vies, Éditions Flammarion, 2008.

Inassouvies, nos vies de Fatou Diome : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Leïla Fortune Tsatchou sur le livre Inassouvies, nos vies de Fatou Diome.

Fatou Diome : biographie

Fatou Diome est une femme franco-sénégalaise, née en 1968 sur l’île de Niodior, au Sud-Ouest du Sénégal. Enfant naturel, elle est élevée par sa grand-mère et plutôt que d’aider les femmes à préparer les repas et assurer les tâches ménagères, elle préfère les activités d’homme et ne ménage pas sa soif d’apprendre. Passionnée par la littérature francophone, elle va de petits boulots en petits boulots pour financer ses études et intègre l’université de Dakar pour devenir professeur de français.

Après son mariage avec un français, elle finit par s’installer à Strasbourg où elle divorce deux ans plus tard. Désormais seule et sans personne sur qui compter, elle doit travailler pour survivre et devient Professeure de Lettre et de Philosophie. Elle reçoit les insignes de doctorat honoris causa à l’Université de Liège en 2017.

La notoriété de Fatou DIOME devient internationale grâce à son roman Le Ventre de l’Atlantique. Ecrivaine engagée, elle dépeint dans ses œuvres divers phénomènes sociaux tels que l’immigration, la place de la femme dans la société en général et en Afrique en particulier ou encore la relation entre la France et l’Afrique.

En 2019, elle est lauréate du Prix littéraire des Rotary Clubs de langue Française pour son roman Les Veilleurs de Sangomar.

Inassouvies, nos vies : présentation

Betty est une jeune femme qui vit seule dans son appartement sans rendre de compte à personne. Son passe-temps favori ? Observer les habitants de l’immeuble d’en face. Derrière sa fenêtre, oscillant du premier étage au cinquième, Betty analyse le quotidien de ses voisins. Et lorsque du haut de son perchoir, elle manque d’ingrédients pour agrémenter sa soupe d’informations, elle les invente, rajoute son grain de sel et dépeint une histoire qu’elle se plaît à ressasser seule dans son lit.

Parmi ces histoires, celle d’une vieille dame solitaire et amoureuse de son chat qu’elle a surnommée Félicité. Betty l’observe à longueur de journée : lorsqu’elle se lève, prend son petit-déjeuner tout en conversant avec son animal de compagnie ou encore lorsqu’elle sort de chez elle pour faire les courses. Et sans s’en rendre compte, elle se prend d’affection pour la vieille dame.

Lorsque Félicité est soudainement envoyée en maison de retraite, Betty éprouve un besoin irrationnel mais irrépressible de la revoir. Et celle qui n’était jusque-là qu’une observatrice, se mêle à la vie de sa voisine, ainsi qu’à celle de nombreuses personnes qui, au final, ne sont que le miroir de sa propre existence.

Autres oeuvres de Fatou Diome :

Inassouvies, nos vies : avis

Inassouvies, nos vies résumé, Fatou DIOME

Nous connaissons Fatou DIOME pour sa plume à la fois réaliste et au lyrisme saisissant et « Inassouvies, nos vies » ne fait pas exception. Il s’agit d’un hommage à toutes ces expériences de la vie qui nous font comprendre à son terme que nous l’avons pleinement vécue.

A travers les personnages de Félicité et de Betty, Fatou Diome établit un contraste pour le moins cocasse : la jeunesse encore fleurissante d’une femme déjà blasée et la vieillesse d’une autre qui avance et prend la vie avec philosophie. Deux destins qui ont mystérieusement fini par s’entrelacer.

Grâce à Félicité, Betty mettra le doigt sur plusieurs maux qui touchent les personnes du troisième âge. La vieillesse, cette étape de la vie où l’on fait semblant que rien n’a changé alors que la fougue s’en est allée. On devient involontairement dépendant des autres et les autres se croient anoblis du devoir de dicter notre conduite. Félicité vit très mal cette situation car pire encore que d’avoir perdu son mari et son chat, elle a l’impression de s’être finalement perdue elle-même.

A travers les nombreux personnages de son roman, Fatou DIOME nous parle de cette société qui n’a que faire de ces personnes qui l’ont pourtant bien servie jusqu’à cet âge où elle les abandonne. Le respect dû aux aînés se perd alors que les jeunes générations gagneraient à écouter les histoires que ces vieux de la vieille tentent de préserver des maladies de leur âge. En effet, avec lui, vient immanquablement l’expérience et une sagesse que Félicité ne manque pas de partager avec sa nouvelle amie.

Inassouvies, nos vies est une histoire riche en humanité qui nous montre comment nos interactions peuvent influencer le destin de l’autre. En regardant ses voisins vivre, changer, évoluer, tomber et se relever, Betty trouve une résonnance sur son existence marquée par ses propres blessures. Inassouvie, cette femme qui n’arrivait pas à oublier et qui, à travers les autres, tentait inconsciemment de remplir le vide qui consumait son cœur.

La vie vient avec son lot de douleurs. Ce sont elles qui nous façonnent, nous construisent, nous détruisent, ou nous font grandir. « Betty comprend que la vie, c’est exister malgré ses aléas qui la rendent imparfaite ». Chaque être humain a ses blessures, ses guerres intérieures, qui parfois ne s’effacent jamais. Mais s’il y a bien une leçon apprise, c’est qu’il ne faut pas se laisser aller, et avancer, car plus que la destination, ce qui compte, c’est bien le voyage.

Cette histoire est touchante et pleine de leçons. A travers sa pléthore de personnages, impossible de ne pas se retrouver dans ce récit.

Incipit de l’oeuvre Inassouvies, nos vies

« Inassouvie, la vie aspire, sans retenue, nos heures, des heures miel de sapin ou fleur de sel. »

10 citations tirées du livre Inassouvies, nos vies

  • « On naît impuissant avec la chance de ne pas s’en rendre compte. En pleine conscience, on le redevient en vieillissant » page 17;
  • « Le français est une lame étincelante et, comme toute lame, c’est là où elle se fait fine qu’elle tranche », page 25 ;
  • « Certaines douleurs ne passent jamais, les moments où on s’en distrait entrecoupent ceux où on en souffre mais ne les éliminent nullement », page 27 ;
  • « Les gens n’ont pas idée de la violence qu’ils exercent sur les autres en les transformant en déversoirs d’états d’âme », page 50;
  • « A un certain degré de brûlure, ça ne sert plus à rien de crier j’ai mal », page 71 ;
  • « Comment cherche-t-on quelqu’un, quand il est déjà si difficile de se trouver soi-même ? », page 78 ;
  • « Quand on crie au secours, personne ne vient, mais quand il est trop tard, tout le monde rapplique », page 111 ;
  • « Un rêve ne s’accomplit que pour nous laisser dans l’urgence d’en former un autre », page 134 ;
  • « Ceux qui consolent ont parfois plus de raisons de pleurer », page 135 ;
  • « Que gagne-t-on à tisser des liens, s’il faut, un jour ou l’autre, se résoudre à les voir se rompre ? », page 161.

 

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Leïla Tsatchou
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