Code 93, Editions Michel Lafon, 2013

Code 93 d’Olivier Norek : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Aurélien Bedos sur le livre Code 93 d’Olivier Norek.

Olivier Norek : biographie

Olivier Norek est romancier et scénariste, mais aussi lieutenant au SDPJ 93 (service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis). Après des débuts dans l’humanitaire, notamment en Guyane et en ex-Yougoslavie, il s’engage dans la police. Il l’intègre d’abord en tant que gardien de la paix à Aubervilliers, puis au sein du groupe de nuit en charge des braquages, homicides et agressions, pour finir à la PJ de Bobigny. Après de multiples années de service, il décide de se mettre en disponibilité pour écrire son premier roman, Code 93, sorti en 2013. Premier ouvrage de la trilogie du capitaine Coste, il sera suivi par Territoire en 2014 et Surtensions en 2016. En 2017 paraît Entre deux mondes, roman où il aborde le sujet des migrants après trois semaines d’immersion dans la « jungle de Calais ». Son dernier roman, Surface, est paru en 2019. Il a également participé au scénario de la série Engrenage et est membre du collectif d’artistes, La Ligue de l’imaginaire.

Code 93 : présentation

Le roman nous plonge dans l’enquête menée par Victor Coste, capitaine de police à la section crime du SDPJ 93, chargé d’élucider la mort d’une jeune toxicomane anonyme ; le cadavre d’un homme retrouvé émasculé qui se réveille en plein milieu de son autopsie ; un corps calciné entre les côtes duquel un portable vibre à horaires régulières depuis deux jours et des lettres anonymes faisant allusion à un mystérieux code 93. Au fur et à mesure de ses recherches, Coste se rendra compte que tous ces dossiers sont liés. Son investigation le mènera ainsi des caves du 93 où ont lieu les « recrutements » pour de sordides partouzes masquées aux plus hautes sphères du pouvoir. Il devra ainsi composer avec dealers, proxénètes, flics ripoux, journalistes pugnaces, grands bourgeois sur le déclin aux pulsions morbides et politiciens corrompus, mais aussi avec le soutien indéfectible de son équipe et l’esprit de solidarité qui anime chacun de ses membres.

Autres œuvres d’Olivier Norek :

  • Code 93, Editions Michel Lafon, 2013
  • Territoires, Editions Michel Lafon, 2014
  • Surtension, Editions Michel Lafon, 2016

Code 93 : avis

Code 93 est un polar, un vrai. On y trouve les ingrédients les plus attendus du genre, du flic désabusé qui n’a plus rien à perdre en passant par le tueur en série esthète qui fait œuvre dans ses crimes, du bon flic que l’usure fait basculer du mauvais côté à la mise à pied injuste du héros innocent, de tant d’autres motifs et situations qui nous renvoient à tout ce que cette littérature charrie de familier. Là où il transcende cependant les codes et parvient à atteindre ce quelque chose supplémentaire qui en fait plus qu’une énième enquête sur un énième meurtre, c’est dans sa capacité à nous immerger de manière extrêmement précise et réaliste dans un univers professionnel, celui d’une unité de la police criminelle. À ce titre, il y a dans l’écriture d’Olivier Norek une dimension quasi-documentaire. Le fait qu’il soit lui-même policier, bien sûr, n’y est pas étranger, et c’est sans doute ce qui confère à son récit ce degré de justesse supplémentaire.

Norek prend le temps, il s’autorise certaines digressions complètement inutiles au récit. Il tient à nous faire visiter l’ensemble du commissariat, les différents services, leurs atmosphères, les gens qu’on y croise, l’architecture, la manière dont sont utilisées les bases de données, tous ces éléments qui ancrent l’action dans un univers au réalisme fouillé, foisonnant de détails, de petites observations qui en disent plus longs que n’importe quelle explication psychologique. À titre d’exemple, on peut citer cet émouvant passage où il décrit le mur de photos d’enfants disparus, tous souriants, car les parents « fouillant les albums de famille à la recherche du cliché le plus ressemblant » n’ont pu s’empêcher de « prendre le plus joli. »

Les qualités structurelles du livre sont également indéniables. L’auteur parvient à nouer ensemble de multiples arcs narratifs et univers sociaux dont il nous fait sentir les différents niveaux d’imbrication les uns avec les autres, se permettant au passage une critique cinglante de la manière dont l’Etat gère le 93 et l’institution policière. La criminalité n’étant pas ici uniquement le fait de ceux qui appuient sur la détente. Norek donne ainsi à son récit une certaine ampleur en ce qu’il nous permet de sentir tant les affects intimes qui animent chaque personnage (ceux qui sont du bon comme ceux qui sont du mauvais côté de la loi) que la manière dont ces affects sont produits par une structure sociale défaillante, régie par des puissants dont les intérêts passent au-dessus des lois. L’intrigue reste cependant relativement classique, mais elle a le mérite de se risquer là où tous les polars ne vont pas et est orchestrée de manière fluide et dynamique.

S’il n’a rien de révolutionnaire, le Code 93 de Norek se singularise donc par son humanité particulière, cette précision et ce sens de l’observation qui donnent au livre un parfum de vécu. Il ne suffit pas d’avoir l’expérience de quelque chose pour arriver à l’exprimer avec des mots, un bon flic ne fait pas forcément un bon polar, mais Norek y parvient ici de manière convaincante. En effet, il a su mêler à un certain talent pour raconter les histoires, une humanité et une sensibilité particulière qui nous permettent de vivre, l’espace de quelques pages, ce quotidien qui, pendant longtemps, fut le sien.

Incipit de l’oeuvre Code 93 :

« La taille pouvait correspondre. »

10 citations tirées du livre Code 93

  • « Ça fait tâche sur le département d’avoir un taré qui s’amuse à torturer sa victime et accessoirement à se foutre de notre gueule. C’est pas Hollywood, ici, c’est la Seine-Saint-Denis. » p. 42
  • « Il imaginait les parents anéantis, dans le silence d’une chambre vide, fouillant les albums de famille à la recherche du cliché le plus ressemblant sans pouvoir s’empêcher de prendre le plus joli. Résultat, une mosaïque improbable de portraits de gamins qui se marrent comme des baleines sous le mot « Disparus » en lettres capitales rouges. Ça foutrait un coup au moral de n’importe qui. » p. 47
  • « Annoncer un décès. Une épreuve par laquelle chaque flic est passé un jour. (…) Tu t’y habitueras. Tu les connais pas, tu connais pas leurs proches. C’est pas ta peine. T’es juste un messager. » p. 138
  • « C’est assez rare de s’écœurer, assez rare pour se le rappeler toute une vie. » p. 181
  • « Si Alice déposait plainte, ce serait sa parole contre celle de l’idiot qui gémissait maintenant aux pieds du flic. Il le savait. Elle devrait supporter les examens médicaux, la confrontation, le déni de son agresseur qui la traiterait d’allumeuse, puis enfin le tribunal, avec l’avocat de la défense qui la détruirait. » p. 184
  • « Il est de coutume que lorsque deux flics font connaissance, l’un comme l’autre déroule leur parcours, comme deux chiens se sentent le cul. » p. 189
  • « Il s’améliorait au fur et à mesure de ses mises en scène, la recherche de perfection ne se situant pas dans le crime, mais dans sa présentation. » p. 283
  • « Il fallait en avoir vu, des images choquantes, pour laisser sa place à l’esthétique de ce genre de situation. » p. 288
  • « Une pluie fine perla les vitres, puis les gouttes devinrent rigoles, donnant de l’intérieur de la voiture l’image d’une ville en train de fondre. » p. 299
  • « – Demander un chiffre c’est faire l’évaluation d’un travail. La réponse changera en fonction de la personne à qui vous posez la question. Si vous le demandez à celui qui a effectué le travail, il sera poussé vers le haut. Si vous le demandez à ses détracteurs, il sera tiré vers le bas. Demandez de chiffrer une activité c’est être assuré d’avoir une information déjà faussée. Les chiffres ne sont que des paillettes pour faire beau à la fin des rapports vides.
  • – Vous vous trompez, Coste, les chiffres sont tout, exactement pour cette raison. C’est parce qu’on peut tout leur faire dire qu’on les fait tant parler. » p. 306

Découvrez d’autres œuvres de la littérature française.

Découvrez d’autres œuvres de Olivier Norek.

Aurélien Bedos
Les derniers articles par Aurélien Bedos (tout voir)