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Chanson douce de Leila Slimani : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Aurélien Bedos sur le livre Chanson douce de Leila Slimani.

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Leïla Slimani : biographie

Leïla Slimani est une écrivaine et journaliste franco-marocaine, fille d’un père banquier et haut fonctionnaire et d’une mère médecin ORL. Ayant grandi à Rabat, elle fait une classe préparatoire au lycée Fénelon à Paris, avant de sortir diplômée de l’Institut d’études politiques. Après un passage par l’ESCP Europe, elle travaille de 2008 à 2012 à la rédaction du magazine Jeune Afrique, dans lequel elle traite essentiellement de sujet touchant à l’Afrique du Nord. En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l’ogre, chez Gallimard. Elle obtient ensuite le prix Goncourt en 2016 avec Chanson douce.

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Chanson douce : présentation

Chanson douce s’ouvre sur une scène de crime : un bébé tué, une petite fille gravement blessée et la meurtrière dans le coma après s’être tranchée les veines et enfoncée un couteau dans la gorge. Le récit qui suit nous raconte la genèse de ce crime atroce. Myriam et Paul, deux jeunes « bobos » parisiens, sont à la recherche d’une nounou pour leurs enfants, Mila et Adam. Ils trouvent la candidate idéale en la personne de Louise, dont la complicité avec les enfants se fait tout de suite sentir.

Louise est irréprochable, elle ne se contente pas de prodiguer à Mila et Adam douceur et attention mais se charge aussi d’effectuer toutes les tâches ménagères, libérant ainsi Myriam de la servitude domestique qui l’étouffait jusque-là. La nounou devient progressivement indispensable au bon fonctionnement de leur foyer. Aveuglé par l’idéal de bonheur bourgeois qu’il est en train d’atteindre, le couple ne voit pas et ne veut pas voir que derrière ce rôle de bonne fée qu’elle s’évertue à tenir, Louise se bat avec une solitude, une misère et un épuisement qui nourrissent en elle une morbidité grandissante.

Autres oeuvres de Leila Slimani : 

  • La Baie de Dakhla : Itinérance enchantée entre mer et désert, Casablanca, Malika Éditions.
  • Dans le jardin de l’ogre, Paris, éditions Gallimard, coll. « Blanche ».
  • Le diable est dans les détails, La Tour-d’Aigues, éditions de l’Aube, coll. « Le 1 en livre ».
  • Sexe et Mensonges : La Vie sexuelle au Maroc, Paris, Les Arènes.
  • Paroles d’honneur, ill. Laetitia Coryn, Paris, Les Arènes : roman graphique.
  • Simone Veil, mon héroïne, ill. Pascal Lemaître, La Tour-d’Aigues, éditions de l’Aube, coll. « Le 1 en livre ».
  • Comment j’écris : Conversation avec Éric Fottorino, La Tour-d’Aigues, éditions de l’Aube, coll. « Le 1 en livre ».
  • Le Pays des autres, Paris, éditions Gallimard, coll. « Blanche »

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Chanson douce : avis

En ouvrant son livre sur l’acte final de cette tragédie, Leïla Slimani pose d’entrée de jeu les conditions de lecture du récit qui va suivre. Chaque micro-évènement en apparence insignifiant devient vecteur d’inquiétude. La cruauté étrange des contes que Louise récite aux enfants, la ferveur un peu trop intense qu’elle met à une simple partie de cache-cache, son exaspération soudaine quand Mila tente de la tirer par la main pour aller nager, tous ces épisodes qui pourraient être banals nous apparaissent à l’aune des premières pages et sont lus comme les signes annonciateurs du drame.

Tout l’art de l’auteure consiste alors à faire monter progressivement la tension, le mystère qui entoure l’acte originel et final, tout en conservant à la future meurtrière une sorte d’imperméabilité, d’ambiguïté qui nous empêche de saisir réellement ses motivations. Là où les causalités psychologiques et sociologiques de Paul et Myriam sont très vite esquissées, permettant au lecteur de s’en faire une image relativement claire, Louise est beaucoup plus trouble, son intériorité rarement développée, ou de manière plus diffuse, confèrent à ses actes une inquiétante étrangeté. L’imaginaire qui l’accompagne flirte même parfois avec le fantastique, lorsqu’elle raconte des histoires aux enfants par exemple : « Mais dans quel lac noir, dans quelle forêt profonde est-elle allée pêcher ces contes cruels où les gentils meurent à la fin, non sans avoir sauvé le monde ? »

Ce mystère s’amenuisera au fur et à mesure du roman, et si aucune explication grossière du crime ne nous sera infligée, le chemin de vie difficile de Louise sera progressivement dévoilé, de même que la misère matérielle, affective et psychique qui la minent. Tout en ne perdant jamais complètement de vue cet imaginaire du conte, Slimani l’étoffe alors d’une volonté critique. Elle tente de mettre à jour une certaine forme d’incommunicabilité entre les êtres, tant entre les membres d’une même famille qu’entre ceux qui emploient et ceux qui sont employés.

Si Paul et Myriam sont en dernière instance victimes, ceux-ci sont aussi, dans une certaine mesure, victimes d’eux-mêmes, de leur propre arrogance à croire qu’ils peuvent déléguer l’espace le plus intime de leur existence à Louise tout en la gardant invisible, tout en refusant d’y voir autre chose que la fonction pour laquelle ils l’ont engagée. À la monstruosité de l’acte final se mêle la monstruosité de l’idéal bourgeois représenté par le couple, qui humilie Louise sans même s’en rendre compte. La scène du dîner, parmi d’autres, en constitue un exemple frappant : croyant hypocritement faire preuve de leur grande ouverture d’esprit, ils convient Louise à rester à table avec les invités, mais à peine le dîner entamé, ils se mettent à parler d’elle comme si elle n’était qu’un objet, fiers de leur nounou comme d’une trouvaille de qualité que tout le monde devrait leur envier.

C’est donc à travers cet équilibre entre l’atmosphère mystérieuse du conte et le cinglant de la charge sociale que Slimani cherche le ton juste pour raconter cette histoire. Si elle y arrive plutôt bien, nous regrettons peut-être que, quitte à jouer la carte du mystère, celui-ci soit un peu trop vite évacué par les développements psychologiques et sociologiques. Un léger approfondissement de la dimension quasi-fantastique du début aurait peut-être fourni un contrepoint onirique permettant d’atténuer la dimension parfois un peu démonstrative du récit. Il n’en reste pas moins que Chanson douce est un livre de qualité qui maîtrise ses effets et ne laisse pas indifférent.

Incipit de l’œuvre Chanson douce :

« Le bébé est mort. »

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10 citations tirées du livre Chanson douce :

  • « Son visage est comme une mer paisible, dont personne ne pourrait soupçonner les abysses. » p. 30
  • « Nous ne serons heureux, se dit-elle alors, que lorsque nous n’aurons plus besoin les uns des autres. Quand nous pourrons vivre une vie à nous, une vie qui nous appartienne, qui ne regarde pas les autres. Quand nous serons libres. » p. 49
  • « La nounou est comme ces silhouettes qui, au théâtre, déplacent dans le noir le décor sur la scène. Elles soulèvent un divan, poussent d’une main une colonne en carton, un pan de mur. Louise s’agite en coulisses, discrète et puissante. C’est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut pas advenir. » p. 65
  • « Elle se dit qu’elle pourrait les contempler des heures sans se lasser jamais. Qu’elle se contenterait de les regarder vivre, d’agir dans l’ombre pour que tout soit parfait, que la mécanique jamais ne s’enraie. Elle a l’intime conviction à présent, la conviction brûlante et douloureuse que son bonheur leur appartient. Qu’elle est à eux et qu’ils sont à elle. » p. 88
  • « La plupart des gens vivent sans jamais avoir entendu des cris pareils. Ce sont des cris qu’on pousse à la guerre, dans les tranchées, dans d’autres mondes, sur d’autres continents. Ce ne sont pas des cris d’ici. » p. 93
  • « Ses parents l’ont élevé dans la détestation de l’argent, du pouvoir et dans le respect un peu mièvre du plus petit que soi. Lui a toujours travaillé dans la décontraction, avec des gens dont il se sentait l’égal. Il a toujours tutoyé son boss. Il n’a jamais donné d’ordres. Mais Louise a fait de lui un patron. Il s’entend donner à sa femme des conseils méprisables. « Ne fais pas trop de concessions, sinon elle ne s’arrêtera jamais de réclamer », lui dit-il, le bras allongé, la main passant de son poignet à son épaule. » p. 134
  • « Vous ne devriez pas chercher à tout comprendre. Les enfants, c’est comme les adultes. Il n’y a rien à comprendre. » p. 137
  • « Elle ne peut pas s’empêcher de s’imaginer que bientôt, c’est d’elle qu’il s’agira. Qu’elle se retrouvera dans la rue. Que même cet appartement immonde, elle sera obligée de le quitter et qu’elle chiera dans la rue, comme un animal. » p. 165
  • « Une haine qui vient contrarier les élans serviles de son optimisme enfantin. Une haine qui brouille tout. Elle est absorbée dans un rêve triste et confus. Hantée par l’impression d’avoir trop vu, trop entendu de l’intimité des autres, d’une intimité à laquelle elle n’a jamais eu droit. Elle n’a jamais eu de chambre à elle. » p. 171
  • « On se sent seul auprès des enfants. Ils se fichent des contours de notre monde. Ils en devinent la dureté, la noirceur mais n’en veulent rien savoir. Louise leur parle et ils détournent la tête. Elle leur tient les mains, se met à leur hauteur mais déjà ils regardent ailleurs, ils ont vu quelque chose. Ils ont trouvé un jeu qui les excuse de ne pas entendre. Ils ne font pas semblant de plaindre les malheureux. » p. 227

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Aurélien Bedos
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