Celles qui attendent de Fatou Diome : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Leila Fortune Tsatchou sur le livre Celles qui attendent de Fatou Diome.

Fatou Diome : biographie

Fatou Diome est née en 1968 sur l’île de Niodior, au Sud-Ouest du Sénégal. Née hors mariage, elle est élevée par sa grand-mère qui a bien du mal à la couler dans le moule de la norme féminine, cuisinière et ménagère, et à réfréner sa soif d’apprendre. Très vite, elle se passionne pour la littérature francophone et au prix de beaucoup d’efforts, finit par entamer des études universitaires à l’Université de Dakar.

Son rêve se dessine : devenir professeur de français.

Après son divorce, elle travaille d’arrache-pied pour survivre sur le sol européen. Elle devient Professeur de Lettres et de Philosophie et reçoit les insignes de doctorat honoris causa à l’Université de Liège.

A travers son écriture, elle dépeint les phénomènes sociaux qu’elle a eu à observer durant tout son périple du Sénégal à la France. La condition de la femme africaine, le chômage, les espoirs que les parents portent en leurs enfants, la liberté de choisir, le racisme, l’immigration et le fétichisme de l’homme noir, sont des thèmes sur lesquels il y a tant à dire, et sur lesquels son inspiration ne semble pas faillir.

Celles qui Attendent : présentation

Dans une petite île du Sénégal, la vie est dure pour tous et la seule chose qui semble s’allonger plus que les dettes sont les rides causées par des soucis.

C’est dans ces contrées qu’Arame mène sa petite vie ordinaire. Femme courageuse et intègre, elle ne ménage pas ses efforts pour veiller sur sa petite famille. Mais entre un mari grabataire et acariâtre, un fils décédé laissant derrière lui une marmaille à
nourrir et un fils désœuvré, a-t-elle vraiment le choix ?

Bougma est la deuxième épouse de Wagane. Fière et ambitieuse, elle pensait que son mariage lui ouvrirait les portes de la richesse et de l’oisiveté, mais forte fut sa
désillusion. Amère face à une co-épouse dont les enfants ont réussi et qui ne manquent pas de le faire savoir, elle aspire à la même chose pour les siens et
surtout pour son fils aîné.

L’Europe brille dans leur cœur, soleil de leurs jours assombris par la pauvreté. Les deux garçons partent avec cet espoir que ce continent leur faisait miroiter, laissant dans leur village leurs mères et leurs épouses, Coumba et Daba.

Autres œuvres de Fatou Diome :

  • Le Ventre de l’Atlantique (2003)
  • Kétala (2006)
  • Inassouvies (2008)
  • Mauve (2010)
  • Impossible de Grandir (2013) – Les Veilleurs de Sangomar (2019)

Celles qui Attendent : avis

Celles qui attendent de Fatou Diome

Celles qui attendent de Fatou Diome

Fatou DIOME est déjà bien connue pour aborder des thèmes relatifs à l’Afrique profonde. Cumulée à son expérience sur le sol européen, Celles qui Attendent est le fruit d’une analyse sincère destinée à ouvrir les yeux des lecteurs sur les réalités d’une population qui se cherche.

Elle dévoile tout d’abord la condition de la femme africaine dans cette petite localité du Sénégal. C’est elle sur qui repose tout le foyer : nutrition, ménage, chaleur humaine, et parfois finances en cas de défaillance du mari. A travers Arame et Bougma, on découvre cette femme africaine forte et courageuse, capable de passer des heures dans la boue à chercher de quoi agrémenter le repas de la maisonnée ou à couper du bois de chauffage.

Celles qui Attendent pose le problème de la liberté de la femme. Dans cette communauté où le pouvoir appartient aux hommes, les femmes doivent se plier : comment elles doivent se comporter, qui elles doivent épouser, les combats qu’elles doivent mener et ceux qu’elles sont supposées abandonner. Chacune de ces femmes vit cette oppression de différentes manières, et si les mères ont déjà le poids des expériences de la vie sur leurs épaules, les épouses sont encore bercées par celui de leur jeunesse.

Dans cette œuvre, l’incertitude est le maître mot, l’incertitude de voir l’être aimé revenir, que toutes les promesses se réalisent. Arame attend patiemment ce fils qu’elle a élevé avec amour, pour tromper sa solitude, quand Bougma voit le fil de ses ambitions s’étirer de plus en plus, au risque de se briser. Coumba quant à elle, s’est mariée à un homme qu’elle savait partant, et dont l’absence va peser plus qu’elle ne l’aurait cru, et Daba a, elle, abandonné la sécurité de bras familiers pour se marier à un fantôme.

La question est posée pour chacune d’elle : ai-je fait le bon choix ?

Fatou DIOME nous parle d’amour dans l’oeuvre : Celles qui attendent

Celles qui attendent de Fatou Diome

Celles qui attendent de Fatou Diome

L’amour fou qui tue le libre arbitre et nous oppresse le cœur, comme celui de Coumba qui, malgré l’absence de son homme, sa trahison et ses espoirs réduits à néant, continue d’aimer sans faillir. C’est également celui qui bouscule les coutumes et les normes sociales, comme celui d’Arame pour le premier homme qu’elle a aimé et qu’elle n’a jamais oublié ou celui de Lamine et de Daba, un amour si fort qu’il pardonne tout et guérit toutes les blessures.

Hier et aujourd’hui, l’appel de l’Occident pulse dans les veines de beaucoup sur le continent africain. L’immigration sonne comme la promesse d’un arc-en-ciel après la pluie. Mais Lamine et Issa nous montrent l’envers du décor. L’Occident est dur. Le racisme, l’intérêt malsain, les documents administratifs, trouver de quoi survivre le lendemain. Telle est la réalité que ces  amoureux du rêve cachent derrière un voile d’émerveillement.

Prenez garde à ce que l’on vous laisse miroiter, car rien ne vaut d’être chez soi, avec sa famille.

Cette histoire est juste bouleversante de réalisme.

Incipit de l’oeuvre : Celles qui attendent

Prologue : « Arame, Bougna, Coumba, Daba, mères et épouses de clandestins, portaient jusqu’au fond des pupilles des rêves gelés, des fleurs d’espoir flétries et l’angoisse permanente d’un deuil hypothétique ; mais quand le rossignol chante, nul ne se doute du poids de son coeur. »

10 citations tirées du livre : Celles qui attendent

– « Les mères et épouses de clandestins ne se confiaient pas, pas facilement, pas à n’importe qui », page 4

– « Pour beaucoup, vivre se résume à essayer de vivre », page 8

– « On s’écharpait, on s’éreintait, on se cramponnait l’un à l’autre, parce qu’on ne savait par quel bout prendre une vie qui n’offrait que la faim », page 20

– « Partir c’est mourir au présent de ceux qui demeurent », page 137

– « Parce que j’ai cueilli les reflets du jour sur tous les replis de ta peau, la nuit me rendra ton corps et, les yeux fermés, je dessinerai tes doux contours dans ma chambre noire », page 151

– « Elle était là, dévouée, combative et chaque jour que Dieu faisait, elle jurait fidélité à sa chambre vide », page 152

– « Se réveiller, c’est réaliser que l’Occident n’a pas intérêt à ce que l’Afrique se développe, car il perdrait alors son vivier de main-d’œuvre facile », page 173

– « On cherche les fruits de mer ensemble, mais chacune assaisonne sa sauce à son goût », page 200

– « Les hommes partaient, revenaient ou non et ceux qui revenaient laissaient souvent derrière eux celui qu’on attendait », page 238

– « Parce qu’elles savent tout de l’attente, elles connaissent le prix de l’amour : mais seuls leurs soupirs avouent : ceux qui nous font languir nous assassinent », page 238

Découvrez d’autres œuvres de la littérature africaine.

Découvrez d’autres œuvres de Fatou Diome.

Leïla Tsatchou
Les derniers articles par Leïla Tsatchou (tout voir)