Black label et autres poèmes de Léon Gontran Damas : introduction

Découvrez la chronique rédigée par Max Antoine Brun sur l’oeuvre Black label et autres poèmes de Léon Gontran Damas.

Black Label, 1956, Éditions Gallimard
Graffiti, 1952, Éditions Seghers
Poèmes nègres sur des airs Africains, 1948, Guy Lévis Mano

Léon Gontran Damas : biographie

Léon Damas est né à Cayenne, en Guyane française, d’Ernest Damas, un mulâtre d’origine européenne et africaine, et Bathilde Damas, une métisse d’origine amérindienne et africaine. En 1924, Damas est envoyé en Martinique pour fréquenter le Lycée Victor Schoelcher (une école secondaire), où il rencontre son ami de toujours et collaborateur Aimé Césaire.

En 1929, Damas s’installe à Paris pour poursuivre ses études. Là, il retrouve Césaire et est présenté à Léopold Sédar Senghor. En 1935, les trois jeunes hommes publient le premier numéro de la revue littéraire L’Étudiant Noir, qui jette les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui le mouvement Négritude, mouvement littéraire et idéologique des intellectuels noirs francophones qui rejette la domination politique, sociale et moral de l’Occident.

En 1937, Damas a publié son premier volume de poésie, Pigments. [2] Il s’enrôle dans l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale, puis est élu à l’Assemblée nationale française (1948-1951) député de Guyane. Au cours des années suivantes, Damas a voyagé et donné de nombreuses conférences en Afrique, aux États-Unis, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Il a également été rédacteur en chef adjoint de Présence Africaine, l’une des revues d’études noires les plus respectées, et conseiller principal et délégué de l’UNESCO pour la Société de la culture africaine.

En 1970, Damas et son épouse brésilienne, Marietta, ont déménagé à Washington, D.C., pour occuper un poste d’enseignant d’été à l’Université de Georgetown. Au cours des dernières années de sa vie, il a enseigné à l’Université Howard de Washington et a été directeur par intérim du programme d’études africaines de l’école.

Il est décédé le 22 janvier 1978 à Washington et a été enterré au Guyana. Bien que l’aspect politique de sa poésie ait été moins attrayant dans les dernières années du XXe siècle, la réputation de Damas était en augmentation. Ses poèmes, qui expérimentaient parfois la typographie et le son des mots, étaient étonnamment modernes pour leur époque, et ils semblaient prévoir la poésie noire, à la fois en anglais et en français, d’une époque beaucoup plus tardive.

Black Label : présentation

Black Label est un recueil de poèmes composé de quatre parties.

Dans la première partie du recueil Black Label, le poète exprime sa douleur d’être le fruit de la traite négrière de par son métissage et de par son histoire. La douleur de sentir coulé en lui trois fleuves qui ne semblent pas pouvoir mener à la même mer, trois fleuves où coulent le sang de millions d’hommes morts lors de la traite négrière ou de la colonisation par les Européens de l’Amérique Latine. Le poète n’en est pas pour autant doux avec ses « frères » (demi-frères ?) noirs puisqu’il leur reproche de ne pas s’aimer entre eux et de n’être pas soudé. S’il l’était peut-être que les choses seraient autrement.

La deuxième et troisième partie du recueil Black Label sont une déclaration d’amour à des femmes connues ou rencontrées par hasard.

La quatrième et dernière partie du recueil Black Label semble être les paroles d’un ivrogne qui reproche à Dieu sa non-existence.

Présentation du recueil : Graffiti

Graffiti, un recueil où l’auteur se dévoile : ses traumatismes d’enfance, son rapport (rejet ?) de la religion… Le choix du titre est expliqué dans les premières lignes du texte. L’auteur aimerait inscrire ses poèmes sur les murs de la ville, de façon à ce que chaque personne qui passe devant ces murs, sache son mal-être. Comme les street artistes le font avec les graffiti.

Face à la laideur du monde et plus précisément à la laideur de la ville où des inconnus sont forcés de vivre ensemble, Léon Gontran Damas aimerait écrire ses poèmes, dans lesquels il se met à nu, sur les murs de la ville. Ainsi, les habitants de cette ville « monstrueuse » sauront qu’ils ne sont pas les seuls à éprouver les émotions qu’il décrit.

Présentation du recueil : Poèmes nègres sur des airs Africains

Poèmes nègres sur des airs Africains est une traduction par Léon Gontran Damas de textes qu’il a lui même recueilli.

Traduit du rongué, du fanti (dialecte de la langue Akan (langue Kwa) parlé au Ghana et en Côte d’Ivoire), du bassouto (langue d’un peuple bantou originaire d’Afrique du Sud et du Lesotho), du toucouleur (population de langue peulh présente majoritairement dans le nord du Sénégal) ou encore du bambara (langue nationale du mali), les quelques textes de ce recueil ont l’avantage de révéler les aspects multiples de la poésie nègre d’expression et d’inspiration. Poésie dont la caractéristique essentielle réside dans le fait d’improvisée elle n’est jamais déclamée ni dite, ni chantée.

Autres œuvres de Léon Gontran Damas :

  • Pigments, Guy Lévis Mano (1937) ;
  • Névralgies, Présence Africaine (1966) ;
  • Mine de rien, (1970).

Black Label : Cocu et content

Ma femme m’avait bien dit
Je m’en vais au marché
Je m’en fus à mon tour au marché
Où je n’ai point
Où n’ai point trouvé ma femme

Mon ami m’avait dit
Je m’en vais en boutique
Je m’en fus à mon tour en boutique
Où je n’ai point
Où je n’ai point trouvé d’ami

Passant par la plage
A la fin du jour
J’aperçois l’ami
De tout son long couché
Couché sur ma femme

A coups de couteau
Je l’eusse certainement
Certainement tué
S’il ne s’était à temps
A temps réveillé

Juste pour me donner
Me donner cinq livres
Cinq livres que j’ai prises
En la reprenant
Reprenant ma femme

Car l’eau efface l’odeur
L’odeur de l’amour
Or l’argent ne sent
L’argent ne sent rien.

Black Label : avis

Black Label est le témoignage poétique d’un métis qui demande compte à ses ancêtres : comment ce métissage a pu être possible, lorsque l’on sait les atrocités qui se sont passés ? Il attaque toutes ses origines : noire, blanche et indienne. Il ne cherche pas à accuser, mais à comprendre, pour mieux accepter, pour mieux s’accepter lui-même.

C’est en cela que ce texte est intéressant, il permet de se mettre un instant à la place d’un homme qui au vu de l’atrocité de son passé se demande s’il est le fruit de l’amour ou non.

L’alcool est, fortement, présent dans ce recueil. Le poète est un ivrogne, il n’en fait aucun doute et ne s’en cache pas. Ce poème est une mise à nu, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas ici de sauver son âme, ni même de l’embellir. Il s’agit, tout simplement, de se dévoiler, de prendre ce risque.

Léon Gontran Damas ne manque pas à son devoir et le recueil est puissant et juste.

10 strophes pour vous donner envie d’acheter Black Laber de Léon Gontran Damas :

« ET BLACK-LABEL
pour ne pas changer
Black Label à boire
à quoi bon changer »
1ère strophe du livre Black Label de Léon Gontran Damas – Page 11

« Ceux qui naissent
ceux qui grandissent dans l’Erreur
ceux qui poussent sur l’erreur
ceux qui meurent comme ils sont nés
fils de singes
fils de chiens »
Strophe du poème Black Label de Léon Gontran Damas – Page 17

SONNE et SONNE
« sonne à mon coeur mariné d’alcool
dont nul n’a voulu
tâter à table hier
sonne et sonne
minuit de clair de lune à trois »
Strophe du poème Black Label II de Léon Gontran Damas – Page 39

« Accrochée à tes pas
accrochée a tes yeux
accrochée à ton âme
je me laissai aller
au rythme de ton drame »
Strophe du poème Black Label III de Léon Gontran Damas – Page 58

« COMME UN ROSAIRE
s’égrène
pour le repos
d’une âme »
Strophe du poème Grafitti de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 87

« PARDONNE A DIEU QUI SE REPENT
de m’avoir fait
une vie triste
une vie rude
une vie dure
une vie âpre
une vie vide »
Strophe du poème Grafitti de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 94

« Et puis vous tous
enfin vous autres
saisirez-vous jamais un rien même
à ce poème
mon drame »
Strophe du poème Grafitti de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 97

« et
rêver
rêver encore
tout à l’aise encore
d’ELLE »
Strophe du poème Grafitti de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 99

« Le ciel est sombre comme un pagne indigo
Le brouillard tombe en gouttes de lait frais
L’hyène ricane. Et le lion en rugit de rage
C’est qu’il est doux de s’ouvrir
A la femme au teint rouge. »
Strophe du poème Sérénade de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 99

« On l’appelle Ma Mie dédé
Elle s’est donnée aux pères
Elle s’est donnée aux enfants
Et voilà pourquoi nul n’en veut plus. »
Strophe du poème Ma mie dédé de Léon Gontran Damas tiré de Black label – Page 99

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Max Brun
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